Ollo Mathias Kambou alias « Général Kamao », leader du mouvement le Balai Citoyen, arrêté depuis le 5 septembre 2022 a comparu au Tribunal de grande instance de Ouagadougou ce vendredi 16 septembre 2022 pour être jugé pour les faits d’outrage à autorité publique. Une requête de remise en liberté provisoire formulée par les avocats du prévenu, parmi lesquels se trouve Me Prosper Farama, a été rejetée par le tribunal.
A sa sortie de la salle d’audience, Me Prosper Farama qui dit respecter la décision du tribunal, s’est prononcé sur la l’infraction reprochée à son client, le « Général Kamao ».
Pour l’homme de droit, la faute reprochée à son client n’a pas lieu d’être. Il estime que tout homme politique doit accepter les critiques, quelle que soit leur teneur.
« On reproche à notre client d’avoir offensé le chef de l’Etat. Une infraction moyenâgeuse, parce qu’il faut savoir que dans aucune autre démocratie moderne au monde, vous ne trouverez encore ce type d’infraction. Quand on est en démocratie, quand on est un homme politique, il faut admettre que la critique politique, quelques fois très acerbe, quelques fois qui peut être choquante, peut être adressée contre vous », a-t-il laissé entendre.
Me Prosper Farama va plus loin en indiquant que les critiques faites à l’endroit des autorités publiques n’ont pas débuté au Burkina Faso seulement sous le régime de la Transition en cours et que si les autorités de l’ancien régime s’étaient opposées à ces critiques, elles n’allaient pas perdre le pouvoir.
« Moi je fais observer très respectueusement que les partisans du MPSR à l’époque du président Roch Marc Christian Kaboré n’étaient pas tendres avec lui. Ils ont même manifesté pendant qu’il y avait interdiction de manifestation. Le MPSR nous a dit que c’est sur ce fondement-là d’ailleurs qu’eux, ont pris le pouvoir. Ce qui est tout à fait affligeant au Burkina, c’est qu’on voit la différence de comportement quand on est en dehors du pouvoir et quand on est au pouvoir. Si Roch avait réagi de la même façon en matraquant tous ceux qui s’opposaient au régime, je pense que ce coup d’Etat ne serait jamais venu », Me Prosper Farama.
Pour l’avocat du « Général Kamao », les autorités politiques burkinabè doivent avoir « le dos large » et se « concentrer sur l’essentiel ». Quant à la justice burkinabè, elle doit consacrer son énergie à ce qui est plus essentiel que « sur des futilités » comme l’infraction reprochée à Ollo Mathias Kambou, foi de Me Prosper Farama.
L’arrestation d’Ollo Mathias Kambou avait fait couler beaucoup d’encre. Plusieurs organisations de la société civile avaient dénoncé une arrestation non seulement arbitraire, mais aussi à la saveur politique. Me Prosper Farama est non seulement de cet avis, mais dit également craindre pour le recul du respect des libertés individuelles et collectives au Burkina Faso depuis l’avènement du MPSR avec à sa tête, le lieutenant-colonel Paul Henri Sandaogo Damiba.
« C’est un procès forcement à teinture politique. (…) Ce qui m’afflige le plus, quand je lis le pronunciamiento à l’époque du MPSR, on nous avait fait comprendre qu’on passait à une ère nouvelle où la liberté d’expression, la liberté tout court, tout ce qui avait été le talon d’Achille du régime précédent, allait être corrigé. Mais on a peur aujourd’hui. J’avoue, j’ai peur. J’ai plus peur sous le MPSR que sous le régime Compaoré. On a l’impression qu’on a affaire à un régime qui a décidé de reléguer au second plan toutes les libertés individuelles et collectives qu’on avait acquises pourvu que ça leur permette de garder le pouvoir. Par contre, quand on dit qu’ils sont des dieux, là on voit qu’ils sont contents », a déploré l’avocat.
C’est habillé d’un tee-shirt rouge et un pantalon noir, tout souriant qu’Ollo Mathias Kambou est arrivé au tribunal de grande instance de Ouagadougou dans la matinée de ce vendredi 16 septembre 2022, sous la surveillance des agents de la sécurité pénitentiaire. A en croire Zinaba Rasmané, responsable à l’organisation au sein de la coordination du mouvement le Balai citoyen, le rejet de la requête de la remise en liberté provisoire du « Général Kamao », n’affecte en rien le moral de ce dernier. « Il est non seulement déterminé, debout, résistant et encore plus fier », a-t-il laissé entendre.
En rappel, l’affaire a été renvoyée au 23 septembre 2022 pour être jugée.