Burkina Faso : Une mission avec la compagnie ‘’Wagner’’ dans le Centre-Nord


Au Burkina Faso, les Volontaires pour la défense de la Patrie (VDP), engagés auprès des Forces de défense et de sécurité, jouent leur partition sur le terrain du combat contre le terrorisme. Immersion !
Quelque part dans la région du Centre-Nord. Les rayons du soleil levant caressent les treillis des hommes du « Bataillon de marche mixte du Centre-Nord ». Le Capitaine BK, le commandant, fait le briefing, ce 20 octobre 2023. Le rapport des actions de la veille est fait. Les missions du jour sont précisées.
Pourquoi Wagner ?
Ce bataillon est composé de 9 compagnies : Aigle, Chaka, Condor, Fangafing, Ratel, Tchefaris, Tigre, Tassouma et Wagner. « Wagner » ? Mais que fait le nom de la renommée compagnie russe ici? Question de journaliste qui trouve réponse auprès du Capitaine. Et nous apprenons que chaque nom donné à une compagnie est le fruit d’une histoire pleine de bravoure et de combativité.
« C’est une compagnie qui n’avait pas de nom. Ses éléments sont allés sur une position pour remplacer les éléments de la gendarmerie. Quand ils sont arrivés, il y avait un fort risque d’attaque. Ils ont été testés par les groupes armés terroristes. A 4 reprises. C’est durant leur séjour que le président (le Capitaine Ibrahim Traoré, NDLR) a dit, lors de son entretien, que nos wagners sont nos VDP. L’acharnement auquel ils ont fait face, la ténacité dont ils ont fait preuve, la volonté qu’ils ont montrée pour rester, ne pas fuir pour revenir en ville, parce qu’ils étaient des VDP,(…) leur ont valu le nom Wagner, à leur retour », explique le capitaine BK. Voilà donc toute l’histoire !
L’importante contribution des VDP
Le poste de commandement du bataillon de marche mixte du Centre-Nord est constitué de plusieurs entités de l’armée. Il s’agit des éléments de l’armée de terre, de la gendarmerie nationale et des sapeurs-pompiers. Les missions de ce bataillon consistent à protéger la population, leur donner la quiétude pour les récoltes.
Ce bataillon de marche mixte est sous la coupe du Commandant Amadou Sanou, commandant du Groupement de force pour la sécurisation du Centre-Nord (GFSN), qui, rencontré, plus tard, apprécie très bien la contribution des VDP.



« Les VDP apportent énormément à la sécurisation du territoire. Vous allez les voir au front en première ligne au contact avec l’ennemi. C’est un travail louable qui est abattu sur le terrain. On ne peut qu’apprécier ce qu’ils apportent aux autres forces. Leur apport, c’est vraiment indéniable dans la sécurité du pays. Si les VDP n’avaient pas été générés, je ne sais pas, à cette heure si on allait être là. Ils apportent énormément en termes de maillage du territoire », apprécie le commandant Sanou.
Le GFSN s’étend sur le Nord et le Centre-Nord avec 7 provinces. Le commandant Sanou a noté qu’il y a eu des améliorations, en termes de sécurité dans certaines provinces.



Notons que les VDP nationaux sont formés en 45 jours, dans trois domaines. Il s’agit du domaine du soldat, la formation physique et la formation au combat. Débutée en octobre 2022, la formation a concerné 3 vagues de 1500 VDP et deux vagues spéciales.
Ces VDP sont répartis en 5 bataillons. Il s’agit des Bataillons Cigale, Nation, Tenga, Tourbillon et Triomphe. Ils sont ainsi déployés dans des bataillons de marche mixte. A ce jour, près de 800 personnels féminins VDP participent au combat.
VDP infirmier, VDP technicien
Après ce petit cours, nous découvrons dans le QG de notre bataillon, qu’il y a des VDP infirmiers. Nous nous rendons à l’infirmerie pour en savoir davantage. Deux combattants en tenue de guerre, kalach en bandoulière, y travaillent. Ces deux VDP prodiguent désormais des soins à leurs camarades blessés après avoir suivi plus d’un mois de formation. « Nous sommes venus en tant que VDP. On a fait des missions. On a été pris pour une formation afin de soigner nos camarades. On a appris beaucoup de choses. On arrive à soigner nos camarades », informe l’un d’eux.
Notons que bientôt, ce bataillon de marche mixte du Centre-Nord aura des VDP démineurs.
Ce n’est pas tout. Nous trouvons également un technicien d’agriculture, S.O, (nom d’emprunt) membre de la première promotion des VDP. Il s’est fait enrôler pour défendre le pays et permettre aux populations de travailler.
« J’ai travaillé dans beaucoup de zones en tant que technicien d’agriculture. Notre zone d’intervention étant menacée par l’insécurité, je me suis senti interpellé. Il fallait que je me fasse enrôler, qu’on puisse trouver la paix et permettre aux autres de pouvoir travailler. Ce sont les connaissances que j’ai, que je mets à leur disposition », explique le VDP.
Il était dans la mission attaquée au Lac Dem. Il est marqué. « On a subi une attaque de base. On a perdu des hommes », nous annonce-t-il, en interpellant la population. « On a besoin de tout le monde pour ce combat. Ceux qui sont dedans, ce n’est pas pour avoir quelque chose. Ce qui se passe sur le terrain, ce n’est pas un rêve. C’est une réalité », dit-il.
« On commande par l’exemple »
Pas un rêve. Mais une réalité. Et nous, VDP d’un jour, allons avoir l’opportunité de le découvrir. 9h50 sonne à la montre du Capitaine BK. C’est le départ. La mission ? Escorter un particulier pour une activité dans un village situé à plusieurs kilomètres de Kaya.
La tâche est confiée à la compagnie Wagner. Le commandant du bataillon, le Capitaine BK, se place en tête. Avec sa phrase fétiche : « Derrière moi, suivez ! ». Car, selon lui, on commande par l’exemple. Son principe est clair : « Il ne faut pas demander à quelqu’un de faire quelque chose que vous n’êtes pas capable de faire. On commande par l’exemple. Lorsque je te demande de faire quelque chose, il faut que moi-même, je puisse faire pour te montrer que je suis capable de le faire. (…) L’impossible n’existe pas (…). Et la mission est sacrée ».



La VDP d’une journée est invitée à embarquer dans un véhicule. Nous déclinons l’offre. Nous voulons vivre cette réalité de bout en bout. Auprès des hommes. Alors, nous embarquons à l’arrière de la moto d’un combattant. Il sera notre binôme. Il est chef d’équipe. Lestée d’un gilet pare-balles et d’un casque, avec comme armes nos outils de journaliste, nous agrippons notre frêle silhouette à l’arrière de l’engin. Et nous démarrons.
Tenue de combat, armés de kalach, de couteau, et de tout matériel qui contribue à bien combattre, les hommes du capitaine BK sont en binôme. Il n’y a aucune différence au niveau de l’accoutrement ni de l’armement. A vue d’œil, il nous est difficile de différencier un VDP des autres éléments des forces armées. Seul le travail sur le terrain nous permettra de faire la part des choses, car les VDP sont encadrés par les forces armées.



Les éléments sont rigoureusement organisés. Des consignes sont données et doivent être suivies à la lettre. Une seule erreur peut être fatale.
Dans notre progression avec notre binôme, nous croisons des VDP communaux de retour des champs avec du bois de cuisson pour certains et d’autres, avec des récoltes. Un des VDP attire l’attention du capitaine BK. Son gilet est diffèrent des autres. Il porte le même gilet que les combattants du chef de mission. Alors, instruction est donnée de récupérer ce gilet afin qu’il se rende au bataillon le lendemain pour mieux expliquer les conditions dans lesquelles il l’a obtenu.
La marche reprend. Etape par étape, les combattants marquent des arrêts pour assurer la sécurité du trajet.
Vidéo – Burkina Faso : L’apport des Volontaires pour la défense de la patrie dans le Centre-Nord
Après une cinquantaine de minutes, nous dépassons les villages périphériques et nous nous approchons d’une colline.
Les combattants se mettent sur leur garde. Des éléments fouillent les alentours de la colline. Rien d’inquiétant. Le chemin peut se poursuivre.
Des villages réinstallés
A 11h, nous atteignons le premier village réinstallé. Les VDP communaux veillent. Dans cette localité, la vie reprend son cours. Le calme y règne. Les paysans sont en pleine récolte.
Nous continuons la mission. Un autre village nous accueille. Encore des VDP communaux aux aguets. Ils échangent des salutations avec notre convoi. Nous marquons une pause. C’est l’occasion de se désaltérer, de prendre la température du village et d’échanger avec les populations.
Les habitants de retour reprennent leur vie. Les boutiques sont ouvertes. Aux abords de la voie, de petits groupes de causerie.
Le Capitaine BK invite les populations à nous rejoindre pour des échanges. Un vieux hésite. Le chef de mission insiste, en lui rappelant qu’il va récupérer leur bonnet de chefferie et les diriger. Incompréhension.
Le Capitaine ne comprend pas la langue mooré. Ce handicap a amené ces populations à l’appeler « Samogo » (Samo, ce sont les parents à plaisanterie des Mossis, mais le capitaine BK n’est pas Samo). Nous éclatons alors tous de rire. L’atmosphère se détend.
Le prochain village, c’est celui concerné par la mission. Des forces combattantes y sont installées, mais les populations ne sont pas totalement encore de retour. Ceux qui ont regagné leurs foyers mènent leurs activités, protégés par les VDP. Les boutiques sont ouvertes, les écoles sont encore fermées. Les vendeuses de beignets et galettes au bord de la voie, ne se frottent pas encore les mains, mais ne perdent pas espoir.
Vidéo – Burkina Faso : Incursion avec des Forces combattantes dans des villages reconquis
Après quelques échanges avec les populations, nous continuons. Un grand nombre de VDP nous accueille plus loin. Il s’agit des VDP nationaux et communaux installés dans ce village, car des incursions des groupes armés terroristes interviennent souvent.
Il est 13 h. Une information est donnée. Un terroriste infiltré, selon les VDP, a été abattu, la veille dans la soirée.
Il faut continuer sur le site pour les activités du particulier. Cette zone n’est pas amie, informe le capitaine BK. Ainsi, des modifications s’imposent et l’ordre est donné d’éviter les regroupements. Le danger reste permanent dans cette zone.
« C’est une zone qui fut infestée pendant très longtemps. Les populations ont cultivé et les GAT viennent faire des tirs pour les empêcher de récolter », ajoute le Capitaine BK.
Dure, dure la vie de VDP !
Les binômes motorisés quittent l’axe principal et font des fouilles en continuant la progression. Un détecteur de mines prend la tête du convoi et la marche devient plus lente.
L’inquiétude gagne notre cœur. Mais les combattants du Capitaine BK sont rassurants. Ce sont des hommes aguerris, passionnés et engagés. Avec la fierté de servir son pays chevillée au cœur. Ils n’ont pas besoin de nous le dire. Les actes parlent.
13h50. Nous sommes au lieu indiqué après une marche de tortue. Tous les éléments ont « pris position ». C’est le silence total. Seuls les postes de communication fonctionnent. Le particulier accompagné par le capitaine BK, se met au travail. Pour des raisons de sécurité, nous nous réservons d’en dire plus. Notons que cette activité consiste à préparer le retour de la population déplacée interne.
Tantôt couchés, tantôt, debout, tantôt à genoux. C’est la posture sans cesse renouvelée des combattants. Le silence est pesant. Même les oiseaux semblent s’être tus. Le soleil brûle. La terre est chaude. Mais il faut tenir bon.
Notre binôme fait des tours pour vérifier les positions des hommes à sa disposition. A certains endroits, il nous est difficile de le suivre. Alors, nous prenons la même position que les binômes qui sont proches de nous.
Nous voici associée à un binôme dans la position un genou au sol. Dans cette posture, le temps semble durer une éternité. La terre brûle notre genou. Le pied tremble. La sueur nous envahit. Nous devons tenir, car « la sueur épargne le sang », disait quelqu’un ! Et nous sommes VDP, après tout !



Notre binôme est de retour. Nous changeons d’endroit. Cette fois, nous nous joignons à un binôme couché. La forte chaleur du sol nous chauffe le corps. Heureusement, notre gilet par balle nous épargne d’un contact direct avec la terre.
« Tant que ce n’est pas fini, on est dedans ! »
Notre chef d’équipe est de retour. Et cette fois, nous faisons des tours avec lui. Nous avons l’occasion de suivre le particulier pour son travail à côté du capitaine BK. Nous nous étions promis de ne pas trop le déranger avec nos questions, mais notre curiosité de journaliste nous amène à le mettre dans une situation d’interrogatoire. Ces questions sont notamment, pourquoi cette action à tel niveau ? Comment arrivez-vous à faire ceci ou cela ? Quand vous dites ceci, vous faites allusion à quoi ? Etc.
Le travail est terminé. C’est le retour à la base. Avec autant de vigilance et de prudence qu’à l’arrivée.
15h30. La base. Un petit rapport est fait. Le capitaine se rassure qu’il n’y a pas de blessé, ni d’incident. Ses combattants et lui se rassurent que « tant que ce n’est pas fini, on est dedans ».
Mission terminée pour ce jour. Et aussi pour la VDP d’un jour !
Alice Suglimani THIOMBIANO
Faso7
Waouh…Félicitations aux FDS-VDP et à la VDP d’un jour. Merci aussi pour le professionnalisme qui a consisté à ne pas exposer les combattants et les populations du village concerné par la mission. On vous prie de rester VDP durant votre carrière de journaliste et pourquoi pas toute votre vie.
Elle écrit bien Mme Thiombiano. J’ai aussi été VDP de quelques minutes grâce à votre écrit. Et force à nos FDS et VDP. On ne vous oublie jamais dans nos prières