Moussa Soré, l’enseignant qui crée du matériel de laboratoire made in Burkina Faso

Moussa Soré est enseignant en Sciences Physiques. Passionné des sciences et des expériences, il a installé un laboratoire privé dans sa cour pour créer des matériaux à partir des pièces locales telles que le bois et le plastique recyclé. Afin de comprendre son combat, une équipe de Faso7 est allée à sa rencontre.

Nous sommes à Bassinko, une localité située à une dizaine de kilomètres à la sortie Nord de la capitale Ouagadougou. Dans des locaux modestes, Moussa Soré, enseignant en Sciences Physiques. Lauréat du prix de l’enseignent de l’Union Africaine de l’édition 2022, il a décidé de consacrer sa vie à l’enseignement, la recherche et l’innovation.

Tout en vivant sa passion, cet enseignant n’entend pas prendre le chemin de « l’enseignement classique ». Selon ses propos, au-delà des cours théoriques qu’il donne, il procède à des travaux pratiques pour expliquer ses cours et permettre aux élèves de mieux comprendre.

Moussa Soré réalisant l’électrolyse de l’eau avec des matériaux locaux

« Pour moi, l’enseignement, c’est plus que le cours théorique qui est dispensé dans les salles de classe. Je me dis qu’il faut expliquer ce qui est dit à travers la pratique pour que les enfants puissent comprendre avec la méthode en plus, j’aime bien faire des expériences », a-t-il dit.

À partir de ce moment et bien installé dans ses convictions, Moussa Soré a transformé sa maison en un laboratoire privé. Fabrication de matériels de laboratoire, réalisation de travaux pratiques et d’autres types d’expériences sont réalisés chez lui.

« Chez nous au Burkina Faso, l’Etat n’a pas souvent les moyens d’équiper convenablement les laboratoires. J’ai alors jugé nécessaire de produire ce que je peux pour essayer d’apporter ma contribution à la culture scientifique », a laissé entendre Moussa Soré.

« Il faut dire que ce n’est pas toujours évident quand on vit en famille. Il faut participer aux événements sociaux. Au Burkina, on est habitué à la culture d’une perte de temps. Alors que ce que moi, je fais, c’est contraire à ça. Je n’ai pas 5 minutes à perdre. Je suis le premier à me lever et le dernier à me coucher. Avec les amis aussi, souvent, il y a des gens qui veulent t’offrir un pot et tu n’as pas le temps. Donc, souvent, c’est compliqué. Quand on est dedans, tu décales de la trajectoire sociale. C’est ça la difficulté. (…)

N’importe qui peut créer. Il suffit d’avoir la passion et transposer ce qu’on a dans le cerveau en réalité en le matérialisant. Il faut aussi accepter d’échouer plusieurs fois. On peut tout créer ici comme les Occidentaux et il faut encourager les jeunes dans ce domaine »,

Moussa Soré

Dans son laboratoire, il fabrique des kits en sciences-physiques, en sciences de la vie et de la terre, en géographie et anglais. Et ce, avec du matériel local ou de récupération. Les principaux matériaux utilisés sont le bois et le plastique.

« On recycle le bois, les déchets électroniques et le plastique. Tout ce qu’on trouve qui peut être utile, on utilise pour fabriquer des matériaux de laboratoire », a-t-il dit avant d’ajouter qu’il le fait par passion. À l’entendre, quelques collègues et élèves passionnés aussi des expériences lui servent souvent de la main-d’œuvre.

« J’aime les sciences. C’est ma passion. C’est ce qui fait bouger le monde. Quand les scientifiques parlent, tout le monde se range », a-t-il martelé pour justifier sa passion. Depuis 2016 alors, Moussa Soré produit du matériel pour sa propre utilisation et aussi pour ses collègues et les écoles qui en ont besoin.

Moussa Soré présentant des modèles moléculaires réalisés avec du bois

Outre cet aspect de la main d’oeuvre, il ne bénéficie pratiquement pas d’accompagnement. Sur fonds propres, il nourrit sa passion. « C’est cette année que l’Union africaine m’a accompagné avec 10 000 dollars pour la production. Sinon, je le faisais depuis avec mes moyens de bord, avec mon salaire et mes économies », a-t-il laissé entendre.

Coté burkinabè, il a avoué avoir reçu une villa. Seulement cette villa est dans la commune de Koubri et vu la distance, il est très difficile d’y installer son laboratoire pour travailler. Mais il a confié que de temps en temps, il fait souvent un tour pour présenter ses inventions.

« Un laboratoire à domicile, ce n’est pas évident »

Au vu de l’étroitesse de ses installations, l’on est tenté de se poser la question pour savoir comment il arrive à faire cohabiter sa famille et son laboratoire. A cette interrogation, l’enseignant nous conforte dans notre position. « Un laboratoire à domicile, ce n’est pas évident », a-t-il déclaré.

Il a expliqué que le volet physique comporte peu de danger que l’aspect chimique. « Ce sont des produits chimiques et en chimie, il n’y a pas d’erreurs. Si tu fais une erreur, c’est une autre personne qui va faire l’erreur prochainement », a-t-il confié. Pour mettre sa famille notamment ses enfants à l’abri, il a déclaré que ses produits chimiques sont stockés dans sa chambre.

Les enfants n’ont donc pas accès à ce qui peut être dangereux pour eux. « Je fais tout pour éviter qu’il y ait un contact entre une tierce personne et les produits chimiques socialement, il y a un coût pour ça. Avec les enfants, la société, tu n’as pas le temps. Ce n’est pas évident », a-t-il clamé avec vigueur.

Moussa Soré, lauréat prix de l’enseignent de l’Union Africaine de l’édition 2022

Sur ses ambitions et ses projets, l’enseignent nous confie que son plus grand rêve est d’avoir des financements afin d’acquérir un plus grand laboratoire avec les équipements nécessaires. « Il y a des promesses, mais rien de concret pour l’instant », a-t-il dit.

« Si j’avais un local plus grand et plus adapté, par exemple les week-ends, j’allais être dans le laboratoire avec les élèves qui veulent faire des expériences et ils allaient être plongés dans le milieu de la recherche, de l’expérience et de la créativité. Le cours est mieux assimilé s’il est suivi de démonstration », a-t-il expliqué.

Il faut retenir qu’en plus du prix du meilleur enseignant de l’Union Africaine, Moussa Soré a été lauréat de plusieurs prix tels que le prix de l’excellence de l’éducation nationale édition 2022 et le prix de l’excellence de l’IDS en 2015.

Basile SAMA

Faso7

Articles similaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Bouton retour en haut de la page