Burkina Faso : Reporters sans frontières dénonce plusieurs atteintes à la liberté de la presse

Le pays est jusqu’à présent considéré comme l’une des réussites du continent africain en la matière. Néanmoins, RSF a récemment observé plusieurs atteintes à la liberté de la presse liée à la dégradation du contexte sécuritaire dans le pays.

Le Burkina Faso occupe la 37e place sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse publié par Reporters sans frontières (RSF) en 2021. Le pays est jusqu’à présent considéré comme l’une des réussites du continent africain en la matière. Néanmoins, RSF a récemment observé plusieurs atteintes à la liberté de la presse liées à la dégradation du contexte sécuritaire dans le pays.

Selon Reporters sans frontières (RSF) le 8 mai 2021, le journaliste Edouard Dropsy et le réalisateur Philippe Abdelkhafi, en reportage pour l’émission “Enquête exclusive” diffusée sur la chaîne de télévision française M6 et accrédités auprès des autorités burkinabè, ont été expulsés au motif d’une « menace à la sûreté de l’Etat » après seulement 40 heures passées sur le territoire.

Ils avaient pris des dispositions sécuritaires pour leur déplacement. Leur expulsion sur la base de motifs graves et infondés constitue une atteinte grave à la liberté d’informer.

Mais le gouvernement burkinabè a répondu. Si les services de sécurité burkinabè ont invoqué ce motif, « menace à la sûreté de l’Etat », « nous sommes en devoir de faire confiance à leur professionnalisme », lit-on dans un communiqué du gouvernement burkinabè (Cliquez ici pour télécharger) qui porte le sceau du ministre de la communication, Ousséni Tamboura.

Du reste, les accréditations comme tout acte administratif d’autorisation n’est pas irrévocable. « Lors de notre échange à Paris, nous avions évoqué ces faits d’« expulsion » que vous avez bien voulu porter à notre connaissance, et nous n’avions pas manqué de vous rappeler que ces accréditations étaient sollicités seulement moins de dix(10) jours après la mort des deux expatriés espagnols dans une attaque terroriste que vous évoquiez plus haut ; les corps de ces deux expatriés sont arrivés le 29 Avril à Ouagadougou », lit-on toujours dans le communiqué.

Aussi, selon RSF, depuis fin 2020, « les journalistes n’ont plus le droit de se rendre sur les sites d’accueil de déplacés internes, pour ‘’des raisons de sécurité et de protection de la dignité humaine’’. Ces zones deviennent ainsi des trous noirs de l’information. Les motifs flous avancés par les autorités ne sauraient justifier cette restriction abusive à la liberté d’informer ».

A cette dénonciation, selon le gouvernement, les conditions de sécurité qu’exige un reportage sur les sites, ainsi que la dignité des PDI à préserver, ont amené le Gouvernement, en toute souveraineté, à prendre cette mesure conservatoire.

« Cela ne constitue donc pas une restriction abusive de la liberté d’informer, mais une décision responsable qui vise non seulement la sécurité des journalistes, mais aussi le respect de la dignité des personnes déplacées. Du reste, c’est une mesure conservatoire qui pourrait être levée lorsque les conditions sécuritaires seraient meilleures », a signé Ousséni Tamboura.

Reporters sans frontières s’est également insurgé contre le projet du gouvernement de créer une plateforme d’accréditation dans laquelle les journalistes de la presse internationale devront renseigner les raisons de leur déplacement dans le pays dans les zones à risque afin d’obtenir ou non le feu vert des autorités suscite des inquiétudes sur place.

« Il ne peut revenir aux autorités le choix de valider ou non certains sujets ou déplacements. Or c’est de fait ce que permettrait la nouvelle plateforme. La dématérialisation du processus d’accréditation ne devrait pas se traduire par une surveillance accrue ou de nouveaux freins à l’exercice du journalisme au Burkina Faso », commente RSF.

De son côté, le gouvernement se veut rassurant. La création d’une « plateforme d’enregistrement et d’accréditations des correspondants de presse » au Burkina Faso répond d’une part à un besoin d’identification et de protection des correspondants de presse internationale (nationaux et étrangers), et d’autre part à une nécessité de dématérialiser les demandes d’accréditation des journalistes non résidants.  « L’identification favorisant la protection du journaliste dans l’exercice de son métier est une formalité gratuite et sans incidence sur le libre exercice », rassure le ministre Tamboura.

De tout ce qui précède, RSF recommande de mettre un terme aux expulsions arbitraires de journalistes étrangers ; de veiller à ce que le projet de plateforme d’accréditation ne constitue ni un outil de surveillance des journalistes ni un moyen de contrôler leurs sujets et leurs déplacements ; et autoriser l’accès des journalistes aux zones de conflit et aux sites d’accueil de déplacés.

De ces recommandations, le gouvernement y a apporté des précisions.

  • Qu’aucun journaliste n’a été expulsé arbitrairement ; si expulsion il y a eu, c’est conformément aux lois et règlements du Burkina Faso et toute liberté ne s’exerce que dans un Etat de droit.
  • Que la plateforme est une opération de dématérialisation des procédures d’accréditation préalablement existantes et que l’institution en ligne d’une identification des correspondants de presse nationale et internationale est une avancée organisationnelle au profit des journalistes et de leurs médias. Plusieurs correspondants de presse nationale et internationale rencontrés le 28 juin 2021 ont salué cette avancée.
  • Qu’il s’agit d’une décision responsable qui vise non seulement la sécurité des journalistes, mais aussi le respect de la dignité des personnes déplacées. C’est une mesure conservatoire qui pourrait être levée lorsque les conditions sécuritaires seraient meilleures.

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