Abdoulaye Komboudri : « N’attendez pas le dernier jour d’un artiste pour venir faire de beaux discours »

L’homme n’est plus à présenter. A 61 ans, il garde un physique qui force le respect. Cocasse, espiègle, taquin Abdoulaye Komboudri est un nom connu de tous dans le monde du cinéma. Il est de ces acteurs qui ont marqué le cinéma burkinabè mais aussi celui africain. Personne atypique, dotée d’un savoir-faire unique, il vous donne l’eau à la bouche lorsqu’il s’agit de cinéma. Abdoulaye Komboudri, plus connu sous le nom de « Fils de l’homme » ou encore « L’homme du peuple » s’est prêté aux questions de Faso7 le 07 août 2020. Dans un entretien de plus d’une heure, marqué d’anecdotes à se tordre le ventre de rire, comme il sait très bien le faire, il est rentré dans la peau de plusieurs personnages pour se faire entendre et comprendre. D’abord dans celui de l’acteur pour nous parler de ses débuts, ses souffrances et ses succès. Il nous parle aussi des réalités du cinéma burkinabè. Il parle. Sans langue de bois, il s’adresse aux autorités burkinabè et à ses fans. Abdoulaye Komboudri dit tout. Même en ne parlant pas, il parle car les émotions, il les laisse paraître. Lorsqu’il quitte la peau de l’acteur pour se confondre au citoyen lambda burkinabè, il exprime encore sa tristesse en voyant ce qui se passe au Burkina. Il laisse entrevoir le bruit du saignement de son cœur. Il parle aussi d’espoir. Et lorsqu’il est dans la peau du grand-père de 61 ans, il donne des conseils. Oui Fils de l’homme vous conseille. Il nous conseils tous. Pour un Burkina stable et une cohésion sociale retrouvée, il nous interpelle. Lisez ! Surtout analyser car il pose des réflexions.

Faso7 : Comment va Abdoulaye Komboudri ?

Abdoulaye Komboudri  : Je remercie Dieu et aussi grâce aux bénédictions de mes parents et de mes ancêtres, je me porte à merveille parce que je suis toujours sur deux pieds, je m’exprime comme je peux, comme je veux. J’arrive quand même aussi à joindre les deux bouts honnêtement donc je me dis que ça va. Je me porte bien (sourire).

Faso7 : Quelle est votre actualité ?

Abdoulaye. K : Je viens de rentrer d’un tournage il y a environ 3 semaines. J’étais à Dédougou pour une série. Nous avons bouclé tout en laissant une ouverture. On a passé de très bon moment à Dédougou.

Faso7 : A 61 ans, est-ce que Abdoulaye Komboudri prévoit de se reposer ?

Abdoulaye.K : Moi je ne fais que ça. Je ne suis pas fonctionnaire. A partir du moment que les réalisateurs auront toujours besoin de moi, je serai prêt. A moins que je ne sois très fatigué et que je ne puisse pas quand même me déplacer. Même avec ça, on peut me mettre dans les fauteuils roulants pour que je puisse parler.

Faso7 : Comment avez-vous hérité de votre surnom « fils de l’homme » ?

Abdoulaye. K : Avant tout, je voudrai d’abord rendre hommage à tous ces grands comédiens et réalisateurs du cinéma africain disparus en demandant une minute de silence (silence). C’est un réalisateur burkinabè qui m’a fait confiance en me confiant un jour, le rôle d’un personnage qui avait pour pseudonyme dans le film, « Fils de l’homme ». Ce film avait pour titre « Wendémi ou L’enfant du bon Dieu ».

Comment est-ce que ce pseudonyme est arrivé ? Auparavant, j’avais travaillé avec Pierre Yaméogo dans son premier long métrage qui est « Laafi » qui m’a valu le prix du meilleur comédien burkinabè à la 12e édition du Fespaco. Ce film m’a fait voyager en Belgique dans un festival. C’est ainsi que lui (Pierre Yaméogo) et moi nous nous sommes croisés au festival en Belgique mais lui, il résidait en France.

Quand nous nous sommes croisés en Belgique, il avait encore une proposition de scénario pour son deuxième long métrage qui est Wendémi, l’enfant du bon Dieu. Il m’a demandé si je pouvais encore incarner un personnage pour ce film car il me fait beaucoup confiance parce que j’avais bien rendu mon rôle dans son premier long métrage. Et c’est à partir de ce deuxième long métrage, notamment Wendémi, que j’ai eu le pseudonyme Fils de l’homme.

Je vous explique le scénario. Tout simplement de passage au Burkina Faso, précisément à Ouaga, il s’est rendu dans un Bar pour s’épanouir et il a vu une scène qui s’est passée et qui l’a inspiré pour créer un personnage qui allait jouer dans son deuxième long métrage, dont moi, Fils de l’homme. Et qu’est-ce qui se passe ? Tout simplement voilà un monsieur qui avait bien picolé et qui n’était plus lui-même mais qui devrait rentrer. Ce dernier était venu avec une voiture. Le groupe avec lequel il était a compris que c’était un peu difficile de le laisser partir seul dans la voiture parce qu’on ne sait jamais. Une proposition sur place avait été faite. Deux personnes devaient l’accompagner.

Arriver au niveau de la voiture du monsieur qui a picolé, il s’est déchaîné du coup et dit « personne ne m’accompagne ». « Laissez le fils de l’homme conduire sa voiture ». La manière dont ça  a été dit, la manière dont la scène s’est passée a beaucoup inspiré Pierre Yaméogo pour donner ce pseudonyme à son personnage dans le film Wendemi, voilà « Fils de l’homme ».

Et depuis lors, les jeunes comme les adultes, même les enfants de très bas âge qui commencent à parler qui regardent la télé, tous m’appellent fils de l’homme, sauf celui-là qui n’est pas encore né, qui est tout bébé. C’est vraiment resté dans la bouche des gens parce que le personnage avait été très très bien rendu, si bien qu’à la treizième édition du Fespaco, il a remporté le prix du public. Voilà je suis devenu Fils de l’homme mais pas Jésus.

Faso7 : Quel est le Film qui a le plus fait connaitre Abdoulaye Komboudri ?

Abdoulaye. K : C’est vrai que j’ai fait beaucoup de films. Le film qui m’a fait révéler, qui a fait de moi la nouvelle révélation entant que comédien au Fespaco à la 12e édition, c’est « L’homme du peuple ». Le film dans lequel j’ai joué avec ce nom, c’est « Laafi » et c’est encore le film de Saint pierre Yaméogo.

L’homme du peuple était un personnage atypique qui avait autour de lui des intellectuels, des amis du bas quartier et surtout des étudiants. Ce personnage était dans l’informel. Il vendait du café jusqu’au petit matin et il ne rentrait jamais. Une fois installé le matin, c’est jusqu’au lendemain au petit matin. C’était devenu comme un QG.

Dans tout le quartier, c’était l’homme du peuple. Quand on a besoin de se divertir, quand on a besoin de rire, quand on a besoin d’écouter des informations venues de nulle part, allons chez l’homme du peuple. Et l’homme du peuple était ouvert, il vendait à crédit, il ne se lève pas, il ne tombe pas. Pour lui, l’argent n’était rien. Ce dont il avait besoin, ce sont les gens autour de lui et il était le maître bien qu’il n’ait jamais fait l’école.

Sa seule langue qu’il parlait c’était le moré mais il fait vivre, il s’aimait lui-même. Il était toujours bien habillé d’une manière ou d’une autre. Il se faisait plaisir. Il avait tout un monde derrière lui. En quelque sorte, c’était un leader. Et l’homme du peuple, il a toutes les informations. Pour un moustique qui aurait piqué quelqu’un dans la nuit quelque part, il te décrira de A à Z comment le moustique est parti et a piqué ce dernier et comment a été la réaction de ce dernier.

Ce film m’a valu beaucoup de voyages. Et c’est ce film qui m’a donné le prix de meilleur comédien burkinabè à la 12ème édition du Fespaco. Et c’est ce film pour la première fois qui m’a fait prendre un avion de mon vivant pour aller en Belgique pour un festival et là, j’ai été ovationné. Tout ça, c’est Pierre Yaméogo.

Faso7 : Quelles sont les difficultés traversées par Abdoulaye Komboudri dans sa carrière ?

Abdoulaye. K : C’est un tout un désert que je traversais. J’ai voulu rendre ce désert là en verdure. C’est une leçon pour moi. Je savais ce qui m’attendait si bien que j’ai cru à ce que je voulais faire. Je m’étais dit, traverser ce désert, tu seras assoiffé. Ne te décourage pas. C’était bien calculé. Qu’est-ce que j’allais devenir ?

« J’ai traversé un desert » Abdoulaye Komboudri

Je me suis déjà beaucoup posé la question. Une seule chose m’a convaincu : j’ai cru. La passion ! J’ai aimé donc je vais aller. Si par hasard je n’ai pas pu, j’ai quand même essayé. Et dans la vie de tout un chacun, il faut toujours essayer. Rien n’est facile. Une fois venu au monde, il faut se dire que vous affrontez un combat. La vie est un combat. J’ai traversé des moments difficiles sans le savoir parce que j’ai cru.

Je suis passé dans un ensemble artistique, celui de la radio et de la télévision du Burkina où on faisait du théâtre, théâtre scénique, théâtre radiophonique et en même temps Dieu merci, il y avait un peu de la vidéo. On faisait du théâtre filmé. On faisait quelques sketchs filmés mais au début je suis parti pour le théâtre.

Dans cet ensemble artistique, venaient de partout les réalisateurs pour puiser les comédiens pour jouer dans leurs films parce que c’était un réservoir de comédiens. Tous les grands comédiens burkinabè à l’époque sont passés par là. Tous les grands réalisateurs du Burkina sont passés par là aussi pour avoir leurs comédiens. Gaston Kaboré, Pierre Yaméogo, Dao Abdoulaye…Ce sont eux qui ont fait les beaux jours du cinéma burkinabè.

Comme c’était un réservoir, j’étais encore le plus jeune de tous les comédiens qui étaient à l’ensemble artistique. Un jour, Pierre Yaméogo est venu faire un casting et prendre des comédiens pour son premier long métrage qui est Laafi dans lequel j’ai joué. Mais comment ?

Lorsqu’il est arrivé, il a fait le choix de ses comédiens, j’étais là. Il était en train de sortir de la cour, j’ai couru vers lui. Je me suis présenté et j’ai dit que je voudrais aussi jouer dans son film. Il m’a dit « petit tu es trop jeune ». Et comme c’est un gueulard (rire), il n’a pas sa langue dans sa poche, il ajoute, « plus tard mais pas maintenant. Tu pourrais ».

Je suis retourné. Un peu plus tard, il était à la recherche d’un autre comédien. Il a fouillé partout, il n’a pas eu. Les gens lui ont surement parlé de moi sans savoir que c’était moi et un soir aux environs de 16h, on vient me tendre un scénario en me disant que c’est un réalisateur qui me le donne. De le lire pendant une semaine et que je rencontrerai un certain Souleymane Ouédraogo qui, à l’époque, était le chef de programme de la télévision nationale. Je demande qui est le réalisateur mais on ne veut pas me faire savoir  alors que c’est un collègue qui m’avait emmené le scénario.

J’ai pris connaissance du scénario et je me suis rendu chez Souley une semaine après. J’ai trouvé qu’il était assis sur la terrasse. Aussitôt je me suis mis à plaisanter parce que je le connais très bien. Je dis « oh grand frère c’est comment ? Ça va ? Vous vous portez bien ? C’est vous qui m’avez remis le scenario-là, je ne comprends rien. Je l’ai lu mais olala ce personnage-là, il est atypique, il est formidable. Je n’ai jamais vu un personnage comme celui-là ». Il me demande de qui je suis en train de parler. Je dis « mais l’homme du peuple ». Déjà j’étais dans la peau du personnage sans le savoir.

C’est ainsi que le réalisateur étant au salon, nous regardait par les trous de la porte. Je ne savais pas. Et pendant que je faisais tout mon numéro, il est sorti et il dit « Ha j’ai mon comédien ».

Celui-là qui m’avait rejeté, c’est lui qui me récupère aujourd’hui. Lorsque je l’ai vu, je le regarde. Il me dit « beuh… ». Je lui dis non, « je te lancerai un défi ». Effectivement, le défi a été lancé. Voilà en bref comment le talent caché s’est révélé.

Et depuis lors, dans tous ses films, il a toujours créé un personnage pour moi. La confiance s’est installée. J’ai prouvé que je pouvais encore faire plus et aux yeux du public, la démonstration a été faite.

Après ce film avec Pierre, j’ai joué avec tous les grands réalisateurs du Burkina Faso sans exception. Voilà comment je suis devenu ce que je suis aujourd’hui et là, Dieu merci. Je rends gloire à Dieu. Je suis comme un prophète dans l’art. Je me plais dans ça. Je ne demande rien. Je ne demande que la vie, la santé.

Puisse Dieu donner longue vie à tout le public, à ce peuple-là, à tous ces fans-là qui m’admirent. Que Dieu me donne la force d’être toujours avec eux et qu’il leur donne la force également d’être avec moi.

Faso7 : Est-ce que vous avez déjà joué un rôle contre votre gré ? Autrement est-ce qu’il vous arrive de refuser de jouer un rôle ?

Abdoulaye. K : Tout au début, je vous disais que je suis passionné du cinéma. Il ne faut pas pour autant en abuser. Quand je ne me sens pas dans un rôle, il est fort difficile pour moi d’accepter. Franchement je ne veux pas faire du business. C’est de l’art. Parce qu’être comédien, c’est avoir l’art de la création. Il faut créer.

A partir du moment qu’on vous attribue un rôle que vous ne comprenez pas. Ce personnage qu’on vous attribue, ce n’est pas vous le personnage. Il faut aller le chercher quelque part ce personnage parce que c’est un personnage imaginaire. Quand vous ne voyez pas ce personnage, il ne suffira pas d’aller sur le plateau de tournage pour seulement dire les phrases. Non !

Ça été très très rare que je ne puisse pas rentrer dans la peau d’un personnage. Seulement là où ça peut me bloquer, c’est quand par exemple ce personnage doit parler la langue de chez nous que je ne maîtrise pas.

J’ai la peau noire mais peut être que si vous m’attribuez le rôle d’un Blanc je parlerai le français du blanc. C’est ça l’artiste. C’est ça le comédien.

Les gens ont l’habitude de prendre pour chef, les gens qui sont toujours imposants et grands. Hitler était un petit bonhomme mais voyez ce qu’il a fait dans le monde. Attention ! Il s’est imposé. C’est dans la voie, c’est dans le visage que ça ressort. Personne ne ressemble à une autre personne. L’homme c’est l’homme. On ne cherche pas à ce que quelqu’un devienne quelqu’un d’autre.

Je dis ça pour attirer un peu l’attention des metteurs en scène, des réalisateurs qui pensent que ce sont toujours les personnes imposantes qui peuvent être chef ou ministre dans un film. Je dis non. C’est ce que va faire ressortir le comédien. Attention ! C’est ça Komboudri Abdoulaye.

Faso7 : Est-ce que Fils de l’homme a des activités parallèles en plus de la comédie ?

Abdoulaye. K : A 80%, je suis beaucoup dans le domaine artistique. Les 20% restants, c’est juste pour tuer le temps quelque part. Je ne veux pas rester inactif. Il y en a, sauf que je ne veux pas tout étaler. Je n’aime pas trop parler de ce que je fais. Je laisse les gens en parler et j’aime ça.

Faso7 : Lorsque vous faites le bilan de votre carrière et tout ce que vous avez apporté au Burkina Faso, estimez-vous qu’il y ait eu un retour non seulement au niveau des autorités burkinabè, mais aussi au niveau de vos fans ?

Abdoulaye. K : Au tout début de l’interview, j’ai dit que je fais ce métier parce que c’est ma passion. Et je voulais également faire face à un défi. Faire plaisir à ce public burkinabè, ce peuple burkinabè et même de l’Afrique et du monde. Leur faire plaire de quelque chose, l’art. Les amuser, les égayer, les rendre parfois tristes mais faire rire souvent. Je voulais être proche d’eux sans être très en contact avec eux. J’ai aimé.

Maintenant au vu de ce que j’ai fait, si ça plu au public, si ça a plu à mes fans, la seule chose que je puisse dire, ils ont été reconnaissants. Ils m’ont applaudi mais attention pas moi personnellement mais ce que je fais, mon travail. Si je n’arrive pas à rendre, je ne serai plus applaudi. Et c’est un devoir et je suis condamné à faire face à ce public-là.

 » Nous sommes tous dans le même panier de crabes  » Abdoulaye Komboudri 

La reconnaissance, je ne sais pas trop. Je les laisse avec leur conscience. Tout ce que je sais, je suis applaudi mais en même temps, je suis un peu déçu parce qu’il y a certains qui disent, « Ha si c’était ailleurs ». Je n’aime pas trop entendre ça pour avoir voyagé un peu.

J’ai fait l’Amérique du nord comme celle du sud, j’ai fait l’Union européenne et tout ça c’est dans le domaine du cinéma, de festival en festival où j’ai été invité mais aussi où j’ai joué en tant qu’acteur. Je n’aime pas entendre ça. De grâce ! De ce côté je suis désolé.

Qu’on se dise plus tôt. « Ha ces comédiens-là, ces artistes que nous avons ici là, nous qui les regardons là, ceux-là qui nous égayent là qu’est ce qu’on peut faire pour eux ? La fuite des cerveaux, c’est ça et après on se plaint. Pourquoi ? Je vous en prie. Transmettez-les. Ces gens-là. Faites quelque chose pour ces artistes parce qu’ailleurs dont vous parlez, ce sont des gens qui font de ces comédiens ce qu’ils sont. Voilà pourquoi ils ne sont pas au Burkina.

Nous sommes tous dans le même panier de crabes. Honnêtement dit, il faut qu’on se dise la vérité. Je n’aime pas ça. Si tu ne peux pas arranger quelqu’un, n’essaie pas de lui donner des mauvaises intentions pour qu’il quitte le pays.

Je connais la Côte d’Ivoire, je sais comment vivent les comédiens ivoiriens ainsi que les musiciens, les acteurs du cinéma. J’ai fait le Mali. Toutes les grandes stars du Mali que vous voyez et qui sont en train de monter, certes il y a la compétence, ils font du bon travail, mais derrière il y a une main qui pousse comme si c’était la main de Dieu qui les poussait. C’est ce qu’on appelle les mécènes. Au Niger, c’est comme ça. J’ai tourné au Niger. J’ai vu ce qui se passe même si le cinéma n’est pas trop allé loin, il y a toujours des mécènes. Au Burkina, dites-le-moi. Où ? Qui ? C’est ça qui nous manque.

Je dis, nous ne souffrons pas. Ce sont eux qui souffrent à notre place. L’artiste ne souffre pas parce que tout ce qu’ils disent, ça ne va pas nous freiner. On va toujours aller de l’avant. On est là. Si on devrait se décourager, beaucoup allais abandonner.

Au Mali j’ai vu un exemple d’un artiste qui est aimé par quelqu’un. Il lui  dit « J’aime bien ce que tu fais. Je te vois entrain de venir. Jusqu’à ma mort, ta popote là, c’est moi je vais gérer ça. Et je transmettrai ça à mes enfants pour que même après moi, ils continuent et si tu as des enfants, il faut leur transmettre ». Un autre peut dire que « si tu as un enfant ou un parent qui est malade, ne te gêne pas, tends-moi les ordonnances ». Ce sont les mécènes comme ça. C’est dans ça qu’on peut avancer.

On ne quémande pas. Nous savons comment est notre cinéma aujourd’hui mais on arrive quand même à venir vers vous, très positivement vous amuser, vous égayer pendant que vous êtes assis en train de manger vos brochettes et boire vos bières.

On n’est pas dans le même monde. Nous venons d’ailleurs. Que tu sois musicien, que tu sois plasticien, que tu sois peintre, que tu sois du cinéma ou du théâtre, nous venons d’ailleurs. On n’a pas ce raisonnement de ces petites gens, excusez-moi du terme, sinon ils allaient être toujours tristes. Ce sont les artistes aujourd’hui qui amusent le monde. Ce sont les gens les plus forts.

« Il y a un ministère qui nous accompagne mais c’est un ministère pauvre »

Maintenant, les autorités. Je remercie les autorités parce qu’il y a un ministère qui nous accompagne mais c’est un ministère pauvre. Pas pauvre en personnel mais pauvre dans les moyens financiers. Si je peux me permettre de le dire, c’est le dernier ministère qui n’a pas de budget aussi fort pour nous accompagner de plus.

Néanmoins, un pas est déjà fait. Nous avons le Fespaco, c’est bien. Nous avons le SIAO, c’est très bien. C’est normal. C’est l’image du pays. Et pour ces festivals, ce ne sont pas les autorités qu’on voit. Ce sont les artistes qui sont à l’honneur. Qu’on nous respecte. Nous ne faisons pas la politique. On n’est pas des politiciens.

De grâce, lorsqu’un artiste vient voir une autorité, demander une audience, qu’il soit reçu parce qu’il a le flambeau du pays en lui. Qu’il soit reçu. De grâce ! Je vais vous voir, on me demande de remplir un bout de papier. Je mets mon nom, on me dit motif. Motif de quoi ? C’est pour ça que je suis venu vous voir sinon j’allais faire un journal et puis vous le remettre. Tout le monde n’est pas allé à l’école. Nous ne sommes pas des Senghor. L’académie française, nous en ne connais pas. On va remplir comment ? Recevez-nous ! Soyez à l’écoute.

Maintenant pour celui qui vient avec autre chose que vous ne pouvez pas, c’est très simple. Le fait de recevoir ce dernier, c’est déjà quelque chose. C’est très bien. Si sa demande n’a pas abouti, ça n’a pas abouti. Arrêtez !

Quand nous partons à l’extérieur, on ne peut pas tout vous raconter. C’est le Blanc qui paye nos billets d’avion. C’est le Blanc qui nous prend en charge, tout c’est le Blanc. Ce n’est pas forcément le Blanc mais ceux qui nous ont invités. C’est parce que c’est de la considération. Autant ceux-là nous considèrent, vous vous devriez en faire plus. Je ne sais pas ce que ça vous coûte. C’est là que je suis quand même déçu. Alors quand c’est les campagnes, c’est eux qui sont les premiers à courir derrière les gens. Après les campagnes c’est fini. Basta !

Il y a des gens qui viennent voir les autorités avec de très belles propositions mais qui ne sont pas reçus. La communication ce n’est pas du tout ça. Voilà pourquoi nos artistes, consciencieux, se battent d’eux-mêmes pour être ce qu’ils veulent être. Toujours amuser, égayer le public. C’est un métier très noble. C’est l’amour. C’est comme un footballeur qui se plait à jouer devant un public et on l’applaudit.

Si c’était pour de l’argent, je crois que beaucoup d’artistes comédiens, allaient quitter ce pays-là. Nous sommes très appréciés en Côte d’Ivoire. Comment ça se passe en Côte d’Ivoire ? Le petit Ivoirien qui te voit, il t’approche en disant « hon vieux père ». Toi-même tu as la chair de poule.

Il faut que ça change franchement. On ne blesse pas quelqu’un. Je vais demander à Dieu de faire changer les comportements de certains Burkinabè. Sinon ce n’est pas bon.

En même temps, je vais remercier les autorités, pour m’avoir fait chevalier de l’ordre avec agrafe. Je remercie l’Etat burkinabè d’hier et d’aujourd’hui. Comme c’est une continuité, que demain, soit encore meilleur qu’aujourd’hui.

Bientôt les élections dans 03 mois. On n’est pas des politiciens. Il faut sauvegarder cette culture-là. Voilà donc les reconnaissances dont j’ai bénéficiées de la part de l’État et de la part du public. C’est ce public qui a fait de moi ce que je suis devenu. Je le remercie.

Faso7 : Est-ce que vous avez déjà vécu une expérience inopinée avec un fan et qui vous a marqué ?

Abdoulaye. K : Il y en a mais caché. Je n’aimerais pas trop rentrer dans le détail. Un coup de fil m’était venu un moment donné.

« Monsieur Komboudri je veux te voir. Je voyage et j’en ai pour deux semaines. Est-ce que tu seras au pays à mon retour ? », a dit mon interlocuteur au téléphone. Lorsque je lui ai dit que je ne serai pas au pays, il m’a dit qu’il me rappelle. Moins de 30 minutes, il m’a envoyé de l’argent en me disant de le laisser avec ma famille afin qu’elle puisse se prendre en charge pendant mon absence et qu’à mon retour, on allait se voir. Effectivement, après mon retour du voyage, nous nous sommes vus. Je m’arrête là. Ça, c’est quelque chose qui m’a sérieusement marqué.

Lors de la nuit des SOTIGUI, où j’ai été désigné meilleur comédien de l’Afrique occidentale, 05 jeunes burkinabè m’ont vu. « Ho vieux père ! Toi là on ne sait même pas vraiment ! Depuis que nous étions petits, on a l’impression que c’est toi qui nous berçais à la place de maman », m’ont-ils dit. Je leur dis « si vous le reconnaissez, que Dieu vous accompagne » et sur le champ ils se sont cotisés pour me donner 50 000 FCFA. Cet acte, ce geste, je ne m’y attendais pas. Ils sont jeunes. A peine mes enfants. Après, j’ai fait tout pour les rencontrer.

Faso7 : Avez-vous vécu cela aussi à l’extérieur ?

Abdoulaye. K : Au Niger plus précisément à Niamey, j’étais allé en tournage avec la réalisatrice Kady Jolie. Après mon tournage, j’ai voulu visiter un peu la ville de Niamey. Je me suis assis dans un bar pour boire un coup lorsqu’un monsieur m’a reconnu. « C’est l’homme du Peuple ! » a-t-il lancé. Il m’a invité à m’assoir à leur table, lui et ses amis.

Un monsieur parmi ses amis était de la primature. Un promotionnaire de Zabré Amadou de la Télévision nationale du Burkina. Ce jour-là, eux tous m’ont respecté. Je suis resté avec celui de la primature jusqu’à ce qu’on vienne nous dire qu’un monsieur très connu à Niamey qui a appris que je suis là, demande à me rencontrer. Nous sommes partis le voir. Le monsieur en question ne voulait pas que je quitte Niamey le lendemain. Ce monsieur, il m’a émerveillé. Je ne peux pas tout dire.

Que Dieu accompagne tous ceux-là qui veulent bien faire de nous mais qui n’ont pas les moyens. Ceux aussi qui ont les moyens, c’est Dieu qui leur a donnés. On ne quémande pas mais qu’ils partagent avec nous. Lorsque vous voyez ce qui se passe ailleurs avec les artistes et que vous venez ici, vous tombez à la renverse.

Faso7 : Que représentent les nuits des SOTIGUI spécialement pour vous ?

Abdoulaye Komboudri reçoit en 2019 le sotigui du meilleur acteur de l’Afrique de l’Ouest pour son rôle dans le long métrage fiction « Duga, LES CHAROGNARDS » de Abdoulaye Dao et de Hervé Eric Lingani.

Abdoulaye. K : J’ai peur de le dire parce que je n’ai pas de mots. D’abord SOTIGUI, c’est le nom d’une grande famille de griot. SOTIGUI, c’est la référence de l’art Burkinabè, du cinéma et du théâtre. SOTIGUI, c’est une famille noble. SOTIGUI, c’est aussi le flambeau que le grand SOTIGUI a remis à ses fils pour continuer ce qu’il n’a pas pu atteindre. Dani Kouyaté, Baba Kouyaté…Ils sont nombreux. Eux tous sont dans l’art.

Auprès d’eux, j’ai appris beaucoup de chose. Quand vous les voyez ces enfants-là, quand vous les entendez parler, il y a la sagesse en eux malgré qu’ils soient très jeunes. Ils savent d’où ils viennent et ils savent où ils sont entrain de partir.

Quand on dit la nuit des SOTIGUIS, durant cette nuit-là, j’ai été honoré. Tous ce que j’ai appris avec SOTIGUI Kouyaté lui-même, tout ce que j’ai appris avec Dani Kouyaté qui m’estime et lui ses frères et ses sœurs dans la famille, je n’ai pas de mots. Je ne sais pas quoi dire. Je suis ému. J’ai un peu la chair de poule. Vraiment je ne peux pas.

Tout ce que je peux dire, ce jeune Moné, c’est lui qui a été à l’initiative de ce festival-là, que Dieu l’accompagne. Très jeune, dynamique, éveillé. Les SOTIGUI cette année, si je ne me trompe pas, ça sera en France. Vous voyez comment ça évolue ? Dieu est grand. Le vieux SOTIGUI est sous terre en train de nous regarder et entrain de nous pousser. Il poussera ce festival là jusqu’au firmament. La preuve en est que ça sera en Europe cette année. C’est tout dire.

Sotuigui KOUTATE, Célèbre comédien burkinabè mort le 17 avril 2010 à Paris.Abdoulaye Komboudri fut très proche de lui.

Aux ennemis, que Dieu aussi les accompagne mais qu’ils leur ouvrent les yeux pour aller sur le bon chemin. Laisser le petit traverser, aller vers sa mission. Laisser les petits fils de Dani Kouyaté, de toute la famille Kouyaté, voir la nuit des SOTIGUI aller au firmament pour qu’eux aussi puissent quand même être là un jour pour toujours répondre. Que Dieu les bénisse !

Faso7 : Est-ce que les acteurs de la culture sont associés à la recherche de la cohésion sociale et de la lutte contre le Terrorisme ?

Abdoulaye. K : Cette cohésion sociale qui n’est plus comme celle d’hier, on ne peut pas accuser quelqu’un. Ni le politique ni le peuple. Nous sommes tous responsables. Dans la culture, je sais que beaucoup en ont fait. D’autres en ont chanté, d’autres en ont fait des films, d’autres en ont fait des théâtres.

Si je suis associé, oui mais en même temps non, car pas dans une association mais de cœur. Mon cœur saigne quand je vois qu’il n’y a pas de cohésion sociale. Tous les maux qui nous minent aujourd’hui, profondément, mon cœur est en train de saigner même à l’instant où je suis en train de vous parler.

C’est très dur mais comme nous sommes tous responsables, qu’est-ce qu’il faut faire ? Je ne veux pas jeter la responsabilité sur quelqu’un mais il fallait vraiment attraper les cornes du taureau au moment où on avait besoin d’attraper. Il faut encore rééduquer le Burkinabè. Je le répète. Même moi, même vous, on a besoin d’une rééducation.

Dans ma vie, j’ai peur de trois choses. Et si aujourd’hui il n’y pas de cohésion sociale, c’est que parmi ces trois choses il y a un. La politique divise. L’argent divise. La religion divise.

Aujourd’hui, terrorisme, il est question de religion. La politique, on a vu des frères, même père et même mère qui ne se parlent plus. L’argent ! On a vu des familles divisées. On fait quoi ? Il n’y a pas de confiance et ça nous amène à des mentalités pas possibles.

On doit dépasser tout ça. Elle est amère ce que je suis en train de donner comme réponse mais je suis un homme. Je ne critique pas. C’est ce que je vois. Aujourd’hui il faut cette cohésion sociale, sinon tout ce que nous allons faire, c’est peine perdue.

Parlant de cette nouvelle génération. J’aime bien cette génération parce que moi aussi j’ai été d’une génération. Mais il faut que cette génération-là soit très très vigilante parce qu’en moré on dit ‘’Fo san pa tar sagl ga, sagl fo minga’’ (Si tu n’as pas quelqu’un pour te conseiller, conseille-toi, toi-même). Il ne faut pas que cette génération soit aveugle. Demain appartient à cette nouvelle génération mais si elle-même se laisse embourber par tout ce que je viens de citer là, le pire serait là.

J’ai toujours dit qu’il faut que les gens s’écoutent mais dans le bon sens. Il y a deux cas. Tu écoutes. Tu tries. Ce qui est bien tu notes et tu jettes ce qui n’est pas bien dans la poubelle.

Aujourd’hui franchement dit, je ne parle pas de notre génération. C’est nous aussi qui devrions ramener cette nouvelle génération sur les rails. C’est ce mariage entre l’ancienne génération et la nouvelle génération, qu’il faut aller devant la mairie et jurer devant les coutumes pour célébrer. Point barre ! Que chacun décortique ce que je viens de dire. Je ne rentrerai pas dans les détails.

Faso7 : Comment Abdoulaye Komboudri compte transmettre son savoir-faire à tous ces jeunes qui l’adulent ?

Abdoulaye. K : Moi, c’est une autre génération qui m’a transmis ce que j’ai aujourd’hui. J’ai essayé de transformer ce que cette génération m’a transmis en me forgeant, en apportant ma touche. Il faut être créatif lorsqu’on parle de l’art.

Je suis ouvert mais faut-il encore que cette génération vienne vers moi. Je veux que lorsque ces jeunes viennent vers moi, qu’ils viennent avec des ambitions. Je ne voudrais pas que des jeunes viennent me dire, je veux être comme toi. Tu ne pourras jamais être comme moi. Je veux être plus que toi, là je suis d’accord. Si tu ne veux pas être plus que moi et que tu veux être comme moi, ce n’est pas la peine, on n’avancera pas.

« Si j’avais les moyens, j’allais arroser mon savoir sur la nouvelle génération »

Tout ce que je peux dire, c’est que je ne peux pas me balader pour parler à la nouvelle génération. Qu’elle vienne vers moi. Nous allons échanger. Qu’elle aille aussi vers d’autres personnes censées être des hommes de culture pour apprendre.

Mais d’abord il faut qu’ils soient à l’écoute. Est ce qu’on nous écoute ? C’est très important. A ce que je sache, nous, nous sommes dépassés. C’est ça l’esprit de la nouvelle génération. Mais demain elle aussi sera dépassée mais qu’est-ce qu’elle laissera à la génération à venir ?

Si j’avais les moyens, j’allais arroser mon savoir sur la nouvelle génération comme des jets d’eau. Hélas ! Je n’ai pas les moyens. Si j’en avais, je me construirais une petite maisonnette pour pouvoir apprendre à deux ou trois personnes tout ce que j’ai appris. Ce qu’ils ont aussi comme savoir, ils le feront sortir pour qu’on puisse mettre ensemble les talents de l’ancienne génération et de la nouvelle pour pouvoir construire quelque chose.

Je les invite à faire plus que moi. C’est une question de temps. On ne devient pas tout de suite comédien. Jamais ! Même si quelqu’un joue dans un film aujourd’hui et qu’il est applaudi, il ne faut pas qu’il croit qu’il est comédien. Il faut vivre de ça et tu comprendras. Si c’est pour venir se faire applaudir et repartir avec ton talent, tu auras perdu.

Faso7 : Quel sont les projets concrets de l’Homme du Peuple ?

Abdoulaye. K : On a essayé beaucoup de chosez ici. Je me dis qu’il faut qu’on mette du sérieux avec les comédiens. On forme les réalisateurs à l’ISIS mais pour aller prendre qui comme comédien ? Encore dans la rue ? Vous avez ça et vous n’avez pas quelque chose pour les comédiens.

 Il y a les formations pour les ingénieurs de son, des cameramen mais il n’y a rien pour les acteurs. Et on dit qu’il y a des mauvais comédiens. C’est la faute à qui ? Vous avez formé qui et puis il est devenu mauvais ? Vous prenez les gens dans la rue comme nous et vous voulez qu’ils soient de bons comédiens. Même moi je ne suis pas bon comédien. Il y a des choses qui me manquent. C’est parce que j’ai forcé que je suis aujourd’hui à 40% mais il reste encore 60%.

Tout ça pour dire que c’est difficile pour moi de dire que j’ai un projet. Je veux bien mais je veux des jeunes qui savent ce qu’ils veulent. Je ne serai pas prêt à travailler avec quelqu’un qui a un emploi principal autre que la comédie. L’art ce n’est pas ça. Moi je n’ai pas fait comme ça. Matin, midi et soir j’étais toujours au théâtre. Et la plupart des grands comédiens c’est comme ça. Il y avait des gens qui travaillaient dans l’administration publique qui ont laissé.

Je veux parler des Hildevert Meda, Minougou Etienne, Issiaka Sawadogo, l’un des plus grands comédiens du Burkina Faso dont le nom n’est pas sorti ici mais que je respecte beaucoup. Ils sont passés par le théâtre. Il faut que les jeunes soient dévoués. Il n’y a pas de semblant. Tous les comédiens que je vois, il y a en a qui s’en sortent mais est-ce qu’ils sont prêts à traverser le désert que nous avons traversé sans eau ? Ce désert sur lequel on a couché la verdure aujourd’hui. Les jeunes c’est l’argent tout de suite et maintenant.

Si Dieu me donne encore la santé, même si c’est à 99 ans, je mettrai en place une structure pour transmettre mon savoir même si c’est à deux personnes. Mais ce n’est pas facile. Ce n’est pas facile du tout.

Tout ce que je suis entrain de vous dire, je vis ça. Ça sort de mes entrailles. Je ne suis pas content de tout ce que je vois dans le monde du cinéma.

Faso7 : Abdoulaye Komboudri peut nous raconter d’un beau souvenir qu’il a vécu sur une scène de tournage ?

Abdoulaye.K : Tellement je m’étais familiarisé avec Pierre Yaméogo, je n’avais plus peur de lui. Pendant le tournage de Wendémi, L’enfant du bon Dieu où j’ai eu le pseudonyme Fils de l’homme, une partie s’est passée à Koudougou.

C’est la scène où le jeune se noyait et puis je me suis déshabillé pour plonger dans la marre pour le sauver. Avant qu’on ne fasse cette scène de la marre, il y a des gens qui sont rentrés pour soustraire les cailloux, les bois et délimiter le cadre où je dois plonger. J’étais de côté entrain de les regarder faire leur cinéma. Pierre avec sa grande gueule dit « bon on va voir le salopard là. Beunh il est où là ? ». Il était comme ça.

Il me dit « Bon voilà, tu ne dépasses pas hein. Si tu dépasses et que tu te fracasses ton crane là-bas, tu sais que tu n’es pas assuré ». Effectivement je n’étais pas assuré.

Il me montre ce que je dois faire. Si vous voyez comment j’ai plongé (rire) ! je suis allé par le ventre comme un crapaud. J’ai eu une terrible douleur au ventre. J’ai fait sortir l’enfant qui se noyait. Après Pierre me regarde et me dit « Non toi tu es chat de brousse. Est-ce que c’est comme ça qu’on plonge ? On dit de plonger par la tête et tu t’en vas comme un crapaud ».

Il m’avait dit qu’un prête a enceinté sa cousine. Je me suis souvenu de ça et je lui ai dit « Tu es à Koudougou non ? Le prête qui a engrossé ta cousine et que tu es en train de retracer l’histoire dans le film là, tu appelles ce prête là pour qu’il vienne plonger par la tête et là tu auras gagné et on en parlera plus parce qu’il va encore commettre une gaffe. Cette fois-ci c’est ta Cousine non ? Ta tante là même… » Je n’ai pas fini ma phrase lorsqu’il m’a interrompu en ces mots « Tampiri, imbécile, bongnouga ». On a plaisanté comme ça et ça m’a fait chaud au cœur parce qu’il n’a pas pris ça en considération.

Aussi il y a une scène lors du tournage de Samba Traoré de Idrissa Ouédraogo, à Bobo-Dioulasso. C’était la scène dans laquelle la bonne dame voulait accoucher.

Samba Traoré et moi accompagnés de la tante de la dame, on emmenait la dame sur une charrette pour aller vers la ville. Il fut un moment où Samba ne voulait pas arriver en ville parce qu’il avait commis un hold up là-bas et il était recherché. Il a enlevé l’argent qu’il m’a remis avant de commencer à courir pour rentrer dans les champs de cannes. Je l’ai poursuivi. J’ai fait cette scène au moins 4 fois donc j’étais essoufflé.

Idrissa Ouédraogo me dit, « Mais Komboudri, quand tu reviens, tu ris ». Je lui ai « Idrissa franchement dit, je suis essoufflé. Maintenant si moi je ne peux pas faire ça, est ce que toi-même tu ne peux pas le faire ? Parce qu’on dirait que tu deviens mon maître. Tu es réalisateur et moi je suis comédien. Tu veux quoi ? ».

On a ri et c’est fini. Ce sont des scènes que je garde en mémoire.

Faso7 : Qu’est-ce que vous avez gardé comme mauvais souvenirs sur une scène ?

Abdoulaye. K : J’ai giflé un comédien sur une scène lors d’un tournage et ça m’a beaucoup marqué. Cette nuit-là, je n’ai pas pu dormir. Vous savez, j’ai un problème. Lorsque je joue, je joue à fond. Avant la scène, j’ai prévenu le réalisateur que cette prise-là, elle sera unique. On ne pourra pas faire une deuxième. Le réalisateur a aussi soufflé ça un peu dans l’oreille de l’acteur.

Je ne sais pas à quel moment la gifle est partie. Ce jour-là c’est comme si une force divine avait attrapé ma main et envoyé la gifle. J’ai senti ma main très lourde lorsque la gifle est partie. En giflant cet acteur, il a titubé en allant vers la gauche. C’était vraiment une gifle.

Sur place les yeux étaient devenus vraiment rouges. Tout avait changé en lui comme s’il était en train de me demander ce qu’il m’avait fait. Je lisais ça dans son visage.

Quand on a cassé pour prendre le repas, j’avais même de la gêne pour aller vers ce dernier. Ça m’a beaucoup marqué. Je ne sais pas jouer au petit. Et ça m’a beaucoup marqué.

Faso7 : Lorsque vous êtes face à votre miroir, lorsque vous pensez à vos débuts jusqu’à aujourd’hui, est-ce que vous êtes fier de tous vos acquis ?

Abdoulaye.K : Moi je ne me mire pas. Ça ne m’intéresse pas. Je me peigne sans miroir. Je m’habille et je sors.

En mooré on dit « Need nonga minga, Ka kissa toyé ». De tout ce que j’ai fait, je m’aime. Je ne déteste pas quelqu’un. Tout ce que je vois, c’est le travail.

Je reviens en arrière pour dire est-ce que j’avais bien commencé sans offenser quelqu’un ? Est-ce que je peux bien continuer ? Est-ce que je vais arriver ? Mais je suis toujours fière de ce que je fais. Mais s’il y a des erreurs et qu’on ne me dise pas qu’il y a erreur, ces gens ne m’aiment pas alors que moi je veux faire plaisir.

Franchement dit, quand je regarde hier, aujourd’hui, je ne vois pas demain mais je devine ce que sera demain et je pense que je suis sur le bon chemin.

J’aime bien ce que je fais. J’aime tout le monde même ceux qui me détestent.

Faso7 : Est-ce que vous avez un message à faire passer à vos fans ?

Abdoulaye. K : A mes fans, je veux juste leur dire que je reviens de loin. La mission que je me suis permis pour arriver là où je suis aujourd’hui, c’était un parcours de combattant. Dans ce parcours de combattant aujourd’hui, je constate qu’autour de moi, il y a des fans. Par ce travail artistique de comédien que je fais et continues de faire, des gens sont venus autour de moi et m’ont accepté. Ceux-là sont mes fans.

A ces fans-là, je les remercie infiniment avec tout le respect et les considérations que j’ai pour eux. A quelque part je ne suis pas infaillible. Je ne suis qu’un être humain. Si parmi mes fans, j’ai offensé quelqu’un, devant l’Eternel, je demande pardon. Je leur demande aussi de ne pas me laisser aller droit dans le mur. Que ces fans-là me rappellent à la raison. Que tu sois jeune, que tu sois vieux, que tu sois une femme ou un enfant, je te demande de me ramener à la raison.

J’ai choisi ce métier par passion et par plaisir tout en me disant que si j’arrive à me convaincre moi-même, dans mon travail, je vais convaincre certaines personnes. Effectivement j’ai prié, j’ai juré devant Dieu si bien qu’un moment donné quand j’étais au commencement de ce métier, il y a certains parents qui ont commencé à s’opposer. Je disais toujours que je suis adulte. Je sais ce que je veux. Aujourd’hui voilà ce que je suis devenu. Ce sont les fans qui ont fait de moi ce résultat.

Nous sommes en Afrique, précisément au Burkina Faso, d’où sortent les hommes intègres. C’est très profond. Soyons-en intègre. Il se doit. Ne nous lâchons pas. On n’a pas de prix mais nous voulons la considération. Nous voulons le respect. Nous voulons qu’à un moment donné quand tout se complique autour de nous, qu’on essaie de comprendre pourquoi il y a cette grande nation.

« A mes fans, Accompagnez-moi avec tous les honneurs » Abdoulaye Komboudri

A ces fans, comme je ne suis pas éternel, tous, notre dénominateur commun, c’est la terre. Si vous pouvez être devant vos écrans m’applaudir, m’apprécier, continuez jusqu’à mon dernier jour. Sur ma tombe, accompagnez-moi. Je ne vous demande pas 5 francs. Accompagnez-moi avec tous les honneurs. Si je n’ai pas acquis ces honneurs  ici, je me dis que Dieu réservera ça pour moi.

J’ai fait ce que je peux. Je le considère comme une mission. Je m’appelle Abdoulaye. En arabe ça veut dire serviteur de Dieu. J’ai servi. Dieu m’a envoyé pour vous servir et j’ai servi. Je ne peux pas vous donner plus. Mais en retour qu’est-ce que vous ferez pour moi ? Que la main de Dieu soit sur ces fans-là. Que Dieu les accompagne et qu’après moi, il ait plus que moi.

Faso7 : Un message aux autorités ?

Abdoulaye. K : Aux autorités d’hier, d’aujourd’hui et de demain, je leur dis merci pour avoir créé un ministère de la culture pour nous accompagner. Avec le coronavirus, les gens sont paniqués. Les autorités ont décidé de faire passer les films burkinabè à la télé. C’est une sage décision car ça enseigne la nouvelle génération.

 Mais comprenez que nous sommes des gens extraordinaires hors paires. Nous n’avons pas la même vision que vous. Nous venons de loin. La culture est le seul moyen de s’exprimer. C’est vous les autorités qui dites que si on perd la culture, on a tout perdu. On ne peut donc pas perdre la culture. Qu’est-ce qu’on fait de nous ? Nous n’avons jamais été contre vous. Mais pourquoi à un moment donné, quand un artiste vient vers vous, vous n’avez pas de considération pour lui ?

 Demander une audience, ça ne coûte rien. Ce que vous faites, c’est grand mais nous faisons aussi beaucoup. Nous transmettons. Vous vous succédez mais nous, nous sommes là. C’est parce qu’on ne peut pas mettre la couleur du Burkina Faso sur nous sinon, nous sommes noirs sans être noirs. On n’a pas la peau noire. On n’est pas des noirs. Nous sommes des êtres humains. Personne ne vaut mieux que l’autre. Il faut se compléter. A ces autorités-là, merci beaucoup pour m’avoir fait chevalier. Je les encourage encore à faire plus avec la nouvelle génération.

Quand nous sortons, vous ne pouvez pas comprendre cette immense joie que les gens ont à nous voir. A travers nous, c’est le Burkina Faso qui est mis en lumière. Nous vendons l’image en bien de ce pays-là. Nous ne sommes pas des gens de rue. Nous ne sommes pas des quémandeurs. Nous sommes des gens qui rehaussent la culture burkinabè. Nous sommes des gens qui sèment la joie dans le cœur des Burkinabè.

Nous sommes à 03 mois des élections. Nous sommes tous concernés même en n’étant pas politiciens. Je souhaite qu’il y ait balle à terre. Nous ne sommes pas des ennemis. Chacun donnera son programme et défendra ses idéaux. Le programme qui sera apprécié par le peuple, sera suivi.

Mais à chacun des politiciens, jouons franc-jeu parce qu’on a suffisamment déjà de problème. Que chacun mette le problème de la cohésion sociale dans son programme. C’est ensemble que nous allons voir comment vaincre ce terrorisme là et on peut le faire.

A tous nos parents qui sont dans les partis politiques, ne nous divisons pas. Ce n’est que 03 mois. Après 03 mois, on se rassemble pour soulever le toit du Burkina Faso. Le Burkina Faso est magnifié à l’extérieur. Ne nous donnons pas la honte, nous qui allons sortir pour défendre ce drapeau rouge, vert frappé de l’étoile du Nahouri. Que Dieu nous accompagne.

« J’en ai marre! » Abdoulaye Komboudri

Toujours aux autorités n’attendez pas le dernier jour d’un artiste quel qu’il soit pour venir au cimetière et faire de beaux discours. C’est maintenant, pendant que nous sommes là, en vie, pendant que nous respirons comme vous, que nous sommes en train de porter la culture burkinabè au firmament partout dans le monde. N’attendez pas le dernier jour pour faire le beau discours. C’est bien mais j’ose le dire, j’en ai marre. Ça n’a jamais abouti.

Pendant que nous sommes là, chères autorités pensez à nous. C’est pour ça quand nous venons vers vous, acceptez-nous et écoutez-nous. Pour quelqu’un que vous n’allez pas accepter pendant qu’il demande une audience et quand il meurt, c’est vous qui venez faire de beaux discours. Quelle hypocrisie !

Je regrette. J’ose le dis mais c’est une vérité qui est là. Je l’ai dit au tout début. Notre dénominateur commun, c’est la terre. De grâce, faites pendant que nous sommes aujourd’hui, au lieu d’attendre demain pour nous faire de beaux discours pendant que nous dormons auprès du bon Dieu. Merci.

Interview réalisée par Amadou ZEBA

Faso7

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