Burkina Faso : Une organisation appelle les populations à se » départir des illusions électoralistes «


Ceci est une déclaration de la coordination des Comités de défense et d’approfondissement des acquis de l’insurrection populaire (CDAIP) de la ville de Ouagadougou, lors de la conférence de presse du 11 août 2020
Mesdames et messieurs les journalistes,
Au nom de l’ensemble des CDAIP de la ville de Ouagadougou, je vous souhaite la bienvenue à cette conférence de presse. C’est l’occasion, une fois de plus, pour nous, de vous témoigner toute notre reconnaissance pour les efforts que vous consentez pour porter la voie des CDAIP.
Mesdames et messieurs les journalistes,
L’objectif de la présente conférence de presse est de partager avec l’opinion nationale et internationale notre analyse de la situation politique et sociale de notre pays ainsi que les perspectives de lutte qui en découlent. Nous demandons votre patience et votre indulgence, vu que la gravité de la situation dans laquelle nous vivons nous oblige à apporter bien de clarifications.
Mesdames et messieurs les journalistes,
Tout Burkinabè d’en-cas honnête constate et reconnaitra que notre peuple vit actuellement une grave crise socio-économique : crise sanitaire endémique (accentuée par le COVID-19), crise du logement, de l’éducation, cherté de la vie, absence de perspectives d’emploi pour la jeunesse, morosité économique, restriction des libertés, notamment la liberté d’expression et de presse, etc. Mais s’il y a des aspects particulièrement illustratifs de la faillite du système de gouvernance actuel, ce sont bien l’insécurité liée aux attaques terroristes, aux assassinats ciblés et de masse, la corruption généralisée au sommet de l’État et le pillage organisé des richesses nationales.
Mesdames et messieurs les journalistes,
Sur le plan sécuritaire, l’on constate que des portions importantes du territoire national échappent au contrôle de l’État, totalement incapable d’y restaurer son autorité. Après des louvoiements et des dénis de cet état de fait, le pouvoir a fini par reconnaitre cette sombre réalité, au point que les députés veulent s’en saisir comme opportunité pour prolonger leur mandat d’un an, juste pour leurs propres intérêts. Des localités comme Djibo, Titao, Sébba, Aribinda, Barsalogo et leurs pourtours vivent pratiquement des états de sièges imposés par des malfaiteurs de tout acabit : bandits de grand chemin, bandes de pillards, djihadistes et autres. Les preuves en sont que les députés dans leurs tournées dans les chefs-lieux des Régions fortement éprouvées par les attaques terroristes ont utilisé des moyens aériens au lieu d’emprunter la route. Il en a été de même du déplacement du Président du Faso à Djibo. Par contre l’on se rappelle le chemin de croix du convoi humanitaire parti pour approvisionner Djibo en produits de première nécessité et de l’attaque du convoi de la Croix Rouge en partance pour Barsalogo respectivement aux mois de mai et de juillet derniers. Alors que les gouvernants utilisent les moyens aériens ou des forteresses roulantes pour survoler et traverser les zones dangereuses, les populations sont presque laissées à elles-mêmes par l’État. L’armée manque presque de tout (équipement, armement approprié, etc.). Elle est gangrénée par la corruption et des fortes présomptions de détournements, comme cela ressort de la une de certains journaux d’investigation (Courrier Confidentiel et Le Reporter notamment). L’on se rappelle des commandes de matériels roulants inadaptés, et d’autres commandes d’armes et de munitions aux fortes odeurs de détournement. Aussi, l’on comprend pourquoi, il est impossible pour l’Autorité Supérieure du Contrôle d’État (ASCE/LC) de jeter un regard dans la gestion des milliards de francs CFA que notre peuple alloue au ministère de la défense au prix d’énormes sacrifices.
A titre d’illustration, en plus de l’Assemblée Nationale, budgétivore par nature sous la IVème République, on retiendra que les ministères de la défense et de la sécurité sont les seuls ministères à n’avoir pas connu d’annulations de dépense dans le cadre de la loi de finance rectificative, loi d’austérité, adoptée par l’Assemblée Nationale le 9 juillet 2020. Pourtant, un ministère clé comme celui de la santé perd 25 milliards (confère le journal L’Economiste du Faso du 20 juillet 2020). Il est donc inacceptable que le peuple consente autant de ressources pour la lutte contre l’insécurité, qui s’aggrave d’ailleurs, sans savoir où va son argent et sans pouvoir demander des comptes à ceux qui le gèrent. Pourtant, dans notre armée existent, en nombre, de dignes et intègres soldats, gendarmes et policiers résolument dévoués à la mission de sécurisation des populations et de défense de l’intégrité du territoire, pourvu qu’on leur donne les moyens matériels nécessaires et le traitement social adéquat (primes et autres). Depuis 2016, le décompte de morts est macabre. Selon le rapport de tournée du Président de l’Assemblée Nationale dans les cinq régions en proie au terrorisme, de janvier 2016 au 6 juillet 2020, 436 éléments des FDS ont trouvé la mort sur le front de la lutte contre le terrorisme. Les morts civils s’élèvent à 1229 personnes. Sans doute que ces chiffres ne sont pas exhaustifs.
En plus des destructions humaines causées par les attaques des terroristes qui se chiffrent déjà en milliers de morts civils et militaires, s’ajoutent les assassinats ciblés et de masses mises en œuvre par des escadrons de la mort en toute impunité, pratiques qui alimentent la violence destructrice qui frappe notre peuple. La situation est si grave que des organisations et ONG de défense des droits humains, notamment le Mouvement Burkinabè des Droits de l’Homme et des Peuple (MBDHP), la Commission Nationale des Droits Humains (CNDH), Amnesty International, l’Observatoire pour la Démocratie et les Droits de l’Homme (ODDH), donnent régulièrement de la voix en dénonçant les exactions de certains éléments des FDS, qui agissent plutôt en escadrons de la mort, donc en violation des règles de droit même en période de guerre. Ces escadrons de la mort, constitués de certains éléments des FDS et de civils, défendent plutôt des intérêts de clans et de classe politiques en éliminant des cibles politiques. En témoigne, l’impunité totale qui couvre les différentes forfaitures. Leurs actions sont tout aussi cruelles et dramatiques, voire même plus, que celles des terroristes que nos braves populations combattent au quotidien. L’ODDH a même titré son rapport de juin 2020 comme suit, je cite : « BURKINA FASO, risque d’un nouveau RWANDA ? », fin de citation. Dans plusieurs localités, les populations doivent faire face à la fois aux terroristes et à ces escadrons de la mort.
Mesdames et messieurs les journalistes,
La remise en cause des libertés individuelles et collectives est une des caractéristiques de la gouvernance fascisante du MPP et alliés. Les espaces de liberté chèrement acquis aux prix d’énormes sacrifices des masses populaires sont saccagés par le pouvoir du MPP et ses alliés. En effet depuis son accession au pouvoir, le MPP s’est illustré dans la remise en cause des acquis démocratiques comme aucun pouvoir auparavant : criminalisation de l’insurrection populaire à travers le nouveau code pénal adopté le 21 juin 2019, interdiction de sit-in (cas des travailleurs du MINEFID), de marches meeting (16 septembre 2019 contre les assassinats de masse et ciblés, du 2 octobre 2019 contre le terrorisme et la présence des bases militaires étrangères), etc.
Pendant que le front social était en ébullition, le COVID-19 est apparu comme une aubaine pour le MPP qui en a profité pour restreindre davantage les libertés de mouvement et d’activités des populations. Face au pouvoir qui entendait utiliser la pandémie comme une arme supplémentaire de musellement, de « disciplinarisation » et de répression des mases de plus en plus défiantes vis-à-vis de sa gouvernance, Les populations ont compris ce plan malsain et ont réagi en conséquence. Ainsi, c’est sous la pression, assortie de manifestations publiques comme ce furent les cas des femmes et jeunes des marchés et yaars de Ouagadougou et de Bobo-Dioulasso et des artistes, que les différents acteurs de l’économie informelle et formelle ont levé les différentes restrictions asphyxiantes à dessein aux plans social et économique.
Quant à la gestion de la pandémie du coronavirus, nous la connaissons et la vivons tous : cacophonie communicationnelle, mensonge d’Etat sur la mort de dame Rose Marie COMPAORE, ex deuxième vice-présidente de l’Assemblée Nationale, budgets exorbitants alloués à la location de cliniques privées, de chambres d’hôtels, frisant manifestement des intentions de détournement, des marchés à des centaines de millions voire en des milliards sans que les populations n’en ressentent les effets. Ce fut le cas du marché de 600 millions de francs attribué à l’armée pour la confection de masques de protection appelés cache-nez, dont la population attend toujours sa part (confère le journal Courrier Confidentiel du 10 juillet 2020), etc. En attendant que le pouvoir fasse le point des aides faites par les « bonnes volontés » et ce qu’il en a fait, ce qui se dégage est que le COVID-19 est plutôt un COVID-business.
Mesdames et messieurs les journalistes,
S’il existe un élément sur lequel le pouvoir MPP et alliés a bien trahi les attentes et espoirs de notre peuple insurgé et résistant, il s’agit de la lutte contre la corruption, les détournements des deniers publics et le pillage des richesses nationales. D’une manière provocante, la gabegie est érigée en mode de gouvernance par le pouvoir en place. Tous les secteurs d’activités sont marqués par des scandales de détournements ou de corruption, que ce soit le secteur minier, des infrastructures, du foncier, de la sécurité et de la défense, de la santé, de l’éducation, de la justice, des transports, etc. En essayant un petit exercice de revue de la presse, nous nous sommes aperçus que depuis l’arrivée du MPP, quatre bimensuels d’information et d’investigation que sont : Courrier Confidentiel, Le Reporter, L’Evènement et Mutations, ont titré, à chaque parution, en moyenne deux fois sur des faits de corruption, de détournement, de fraude, impliquant directement ou indirectement des membres du gouvernement, des responsables d’institutions de l’Etat et de grandes entreprises d’Etat, des maires et conseillers municipaux, des cadres de services de l’Etat, des opérateurs économiques et hommes d’affaires liés au pouvoir : Scandales financiers au fonds de développement routier, soupçons de corruption et de détournement dans les commandes de matériels militaires dans le cadre de la lutte contre le terrorisme dont l’affaire Jean-Claude Bouda pour ce qui est déjà connu, affaire KANIS, affaire charbon fin impliquant la hiérarchie du ministère des mines, de la douane et le groupe Bolloré, affaire 77 véhicules à la mairie centrale et ses révélations d’escroquerie impliquant le magistrat Narcisse Sawadogo et Alassane Baguian (un scandale dans le scandale), affaire 300 ambulances aux odeurs de surfacturation et de collusions d’intérêts impliquant des membres du gouvernement, affaire dix milles ordinateurs pour les étudiants, affaire contrat de livraison de carburant à la SONABHY, affaire SONABHY-CBC, affaire contrat de matériel de branchement d’eau à l’ONEA, affaire mission fictive impliquant des gendarmes à la Présidence du Faso, affaire des trente millions impliquant Adama Kanazoé, jadis conseiller spécial du Président du Faso, affaire DG adjoint de la douane, William Alassane Kaboré, affaire matériels roulants des sapeurs-pompiers, affaire tripatouillages dans un marché de 64 milliards pour la construction du futur aéroport de Dossin, etc., etc. La liste est longue, très longue.
Mesdames et messieurs les journalistes,
S’il faut féliciter la presse qui, contre vents et marrées, se donne les moyens de révéler le caractère mafieux de la gouvernance actuelle, les organisations de lutte contre la corruption, notamment le REN-LAC et l’ASCE/LC pour leurs investigations et dénonciations, et la justice pour ses bonnes initiatives d’auto-saisine des cas de corruption, il faut cependant convenir que la corruption et la gabegie sont systémiques, c’est-à-dire qu’elles sont le fondement même de l’Etat actuel et du mode de gouvernance, au point que de simples dénonciations, des arrestations et emprisonnements d’individus, soient-ils ministres, maires ou magistrats, n’y pourront rien. Seules les mobilisations populaires avec pour objectif de changer le système lui-même peuvent mettre fin à la corruption d’Etat systémique et endémique. Cela ne sera que justice car il est inacceptable que dans un pays où l’insécurité, la maladie, la faim, font des ravages, où des milliers de personnes n’ont pas un toit, où la jeunesse est sans perspective d’emploi, une minorité de bourgeois et de prédateurs, une élite politique pillent, volent et détournent impunément les richesses nationales produites par les paysans, les ouvriers, les travailleurs, en un mot, par le peuple !
La grave crise multidimensionnelle qui frappe notre peuple est le résultat de la faillite de la gestion néocoloniale de notre pays par les pouvoirs successifs et met en cause l’ensemble de la classe politique qui s’agite pour les élections de novembre 2020. Les fameux trois « baobabs » CDP, UPC, MPP ont tous participé à la gestion de l’Etat d’une manière ou d’une autre, à travers leurs dignitaires. Ils sont tous comptables, à des degrés différents certes, de la crise que traverse notre pays. Ils ont eu, ont et auront toujours le même programme politique : la feuille de route que leur confient les puissances impérialistes, la Banque mondiale et le FMI et qui consiste à mettre en œuvre des politiques néolibérales, antisociales et contre les intérêts de notre peuple. Les autres prétendants qui tentent de se présenter comme des hommes politiques « neufs », sont en réalité des entrepreneurs politiques à la recherche d’argent et de confort personnel. Ils sont presque tous des transfuges des fameux baobabs ou de leurs alliés, ou ont été des leaders d’OSC putschistes qui vivent une période de vache maigre. Les partis et mouvements politiques qu’ils créent à tour de bras ont le même programme politique que les anciennes forces électoralistes qui dominent actuellement la scène politique à savoir : servir l’impérialisme, s’enrichir et réprimer le peuple.
L’Etat entre leurs mains est et sera toujours au service des intérêts des monopoles capitalistes internationaux, de la bourgeoisie compradore, des dignitaires de l’Etat et de leurs alliés. C’est pour cette raison fondamentale que les élections de novembre 2020, comme celles passées assureront soit le maintien de la fraction fascisante de la bourgeoisie au pouvoir, soit son remplacement par d’autres prédateurs. Elles n’offriront pas d’alternative en faveur du peuple. Du reste, à quoi serviront des élections dont les forces politiques en course rivalisent déjà du génie de fraudeur et de corrupteur : distribution clientéliste de CNIB, transport de personnes pour enrôlement, argent contre enrôlement dans certaines zones no-loties de Ouagadougou, distribution de 2000 à 2500 F CFA pour participer à des concerts d’investiture ? Qu’attendre de ces élections alors que certains hommes politiques lèvent des milices et constituent des escadrons de la mort pour la conquête du pouvoir ? Assurément rien de bon pour le peuple.
Mesdames et messieurs les journalistes,
La crise que traverse notre pays est une crise révolutionnaire et l’alternative ne peut être que révolutionnaire. C’est pourquoi, les CDAIP appellent les populations de la ville de Ouagadougou et des environs à :
- Se départir des illusions électoralistes et s’orienter vers le changement révolutionnaire car seule une vraie Révolution portée par le peuple organisé et en lutte pourra réaliser une large opération de salubrité politique, condition sine qua non pour ouvrir la voie du progrès social et économique véritable pour le peuple. L’Insurrection populaire d’octobre 2014 et la Résistance victorieuse de septembre 2015 sont des preuves que notre peuple peut et doit réaliser le changement pour lequel il se bat depuis des décennies : son émancipation nationale et sociale.
- S’organiser de manière autonome dans les quartiers, secteurs et villages, pour dénoncer et lutter contre les formes d’insécurité, celle liée aux attaques terroristes et celle liée à l’action des milices politiques et des escadrons de la mort au service des forces politiques réactionnaires ;
- S’organiser et se mobiliser pour dénoncer la corruption au sommet de l’Etat, la corruption des élites politiques et le pillage des richesses nationales : deniers publics, ressources minières notamment l’or, foncier urbain et rural. Pour nous CDAIP, la victoire du peuple contre la corruption d’Etat, celle des élites politiques ouvrira la voie de la victoire contre les maux (terrorisme, insécurité, impunité, misère, etc.) qui minent notre société et hypothèquent les chances d’un progrès social et économique véritable. Les mobilisations populaires contre la corruption d’Etat et des élites sont celles qui sont actuellement porteuses d’espoir pour notre peuple. C’est pourquoi nous prévoyons une journée de dénonciation de la corruption au sommet de l’Etat et du pillage des richesses nationales par les élites politiques et leurs alliés qui aura lieu au mois de septembre 2020. Le format et la date seront communiqués ultérieurement. D’ores et déjà, les CDAIP lancent un appel aux organisations de défense des droits humains, de lutte contre la corruption, les organisations de lutte contre l’impunité des crimes de sang et des crimes économiques et pour l’élargissement des espaces de liberté, aux syndicats, à la presse et à toutes les organisations citoyennes démocratiques et patriotiques à œuvre à la mise en place d’un front unitaire et large de refus de la corruption d’Etat, des élites politiques et contre le pillage des richesses nationales et l’impunité des crimes de sang et des crimes économiques.
En avant pour la défense et l’approfondissement des acquis de l’insurrection populaire !
Vive le peuple insurgé et résistant !
Vive les CDAIP !
Je vous remercie pour votre aimable attention !
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