Burkina/Entreprenariat des jeunes : « Nous ne sommes pas condamnés à l’échec » (Mahamadi Ouédraogo)

Mahamadi Ouédraogo alias MDI est un jeune entrepreneur burkinabè qui touche à tout. Journaliste de formation, il embrasse le métier de maître de cérémonie communément appelé MC. Son goût pour l’habillement l’a emmené à se lancer dans l’entreprenariat vestimentaire. Aujourd’hui c’est un empire qu’il dirige. MDI Fashion qui comporte en son sein un atelier de couture moderne et une boutique de vente de vêtements dirigés par une dizaines d’employés. Entant qu’empereur de MDI Fashion, Mahamadi Ouédraogo s’est donné comme mission d’habiller joliment les Burkinabè avec des ténues confectionnées avec le faso dan fani et le koko don da. Dans un entretien accordé à Faso7 le 05 mai 2020, le jeune entrepreneur qui exerce toujours parallèlement son métier de MC revient sur ses motivations, ses ambitions et les difficultés que rencontrent les jeunes entrepreneurs burkinabè.

Faso7 : De MDI, Maître de cérémonie à MDI fashion, pourquoi et comment ?

Mahamadi Ouédraogo (MDI) : C’est d’abord la passion pour le style vestimentaire. Vous savez que l’habillement compte beaucoup dans nos prestations de maître de cérémonie. Quand vous arrivez, la première chose qui marque les gens dès qu’ils vous voient, c’est comment vous êtes habillé. Lorsqu’on demande ou est le MC, on doit pouvoir se faire une idée de lui à partir de son habillement.

J’ai vu que chaque fois que je m’habillais, les gens appréciait, surtout lorsque c’est fait en faso dan fani, et en koko donda. On me demandait à savoir où se trouve mon couturier, ou est-ce que j’ai fait ça. J’orientais donc des gens vers mon couturier. Cela lui (ndlr le couturier) a permis d’habiller plusieurs personnes. Après je me suis posé la question à savoir pourquoi ne pas explorer aussi ce domaine-là ?

Je me suis donc lancé. J’ai d’abord acheté des pagnes pour les donner au couturier pour qu’il crée. Après je me suis dit encore qu’il faut qu’on modernise carrément. Je me suis donc impliqué dans le domaine. On vend du faso dan fani, on fait la couture et on fait la livraison. C’est aussi dans l’optique d’être plus utile à ceux la qui me font confiance et qui suivent ce que je fais.

Faso7 : Avons-nous affaire à MDI couturier ou il y a du monde derrière ?

MDI : MDI couturier ça ne va pas tarder parce que je m’essaie déjà à la couture. J’apprends en même temps que je suis à côté du couturier. Il y a aussi du monde derrière parce qu’à l’origine je ne suis pas un couturier. C’est un jeune que j’ai vu qui est vraiment très passionné de son travail.

J’ai dit bon je l’accompagne. On a fait un premier investissement pour améliorer ses conditions de travail avec un atelier équipé de machines assez modernes.

Et moi je suis venu dans la section commercialisation avec une boutique que j’ai mise en place devant l’atelier. Lui il crée les habits, on les expose dans la boutique et moi je les vends. Comme je suis aussi un gars qui aime toucher à tout, je suis en train d’apprendre la couture. Ce n’est donc pas exclu un jour qu’on voit des habits signés MDI à la couture.

Faso7 : Est-ce que tous les portefeuilles peuvent avoir accès à MDI fashion ?

MDI : Oui je réponds sans hésitations. J’ai envie même de dire qu’on est très moins chère car l’objectif premier pour moi n’était pas de chercher de l’argent. C’était d’être utile à mon entourage à travers mon style vestimentaire. Les coûts sont très abordables. C’est accessible à tout le monde.

On a des habits qui vont dans l’ordre de 7500 FCFA, 10 000 FCFA ou 12 500 FCFA. Ce que je vends à 12 500 FCFA, j’ai eu à payer de moins qualité que ça à 17 500 FCFA ou 25 000 FCFA ailleurs. C’est pour dire qu’en matière de coût, je crois qu’on est dans la moyenne, on n’est pas chère.

Faso7 : Est-ce que MDI est épanoui dans son travail ?

MDI : Oui ! ça je rends grâce à Dieu. Je suis vraiment épanoui dans ce que je fais. J’ai même lancé une association dénommée Association pour l’épanouissement professionnel en Afrique ou le défis consiste à vraiment emmener les gens à s’épanouir au travail. Je suis épanoui parce que j’aime ce que je fais, j’aime être utile, je suis passionné et j’arrive à vivre de ça.

En la matière je suis très content parce que pour moi le plus important pour un être humain c’est d’être utile. Je suis utile dans mes prestations au niveau de maître de cérémonie, utile aussi parce que j’accompagne des gens dans l’art vestimentaire.

Il y a d’autres cordes qui sont également là et qui ne sont pas peut être suffisamment mises en avant mais on arrive à toucher à tout pour être le plus utile possible.

Faso7 : Quels sont les écueils que le jeune entrepreneur a dû surmonter ?

MDI : Pour moi toute difficulté est une opportunité. Les difficultés ne sont pas là pour nous empêcher d’avancer. Les difficultés interviennent pour nous amener soit à rectifier le tir soit à revoir un certain nombre de paramètre.

Moi je mets les difficultés dans l’ordre des épreuves qui sont appelées à nous aider à avancer. Je tiens à rendre grâce à Dieu car sur la voie de mon accomplissement professionnel, j’ai rencontré des Hommes de valeur qui m’ont toujours accompagné et encouragé dans mes projets.

Il faut ajouter que je réinvestis ce que je gagne. Ce sont mes gains en tant que maître de cérémonie qui m’ont permis d’ouvrir ma boutique. J’ai du mal à parler de difficulté car, quand on décide de faire de l’entrepreneuriat on s’attend à ce que cela ne soit pas un long fleuve tranquille.

Au niveau de la boutique la difficulté c’est quand nous n’arrivons pas à satisfaire nos clients dans l’urgence. Il arrive que des clients nous appellent dans la matinée pour commander une tenue pour la soirée. Très souvent c’est difficile de satisfaire ces clients.

Faso7 : Certaines de vos publications sur les réseaux sociaux semblaient exhumer une certaine amertume. Qu’est ce qui avait tant déçu le jeune entrepreneur ?

MDI : Ce qu’on écrit sur les réseaux sociaux, ce sont des analyses. Ce n’est pas forcément lié à notre personne.        On a eu à faire des cris de cœur. On a eu à envoyer des coups de gueule mais ce n’est ni pour nuire à quelqu’un encore moins faire un blocage quelque part. Cela est lié au système dans lequel on évolue. En tant jeune entrepreneur il faut se battre pour avoir un marché. Après exécution du travail, c’est souvent après un (01) ou deux (02) mois qu’on vous appelle pour venir signer le contrat de la prestation que vous avez exécutée il y a deux (02) mois.

En plus de cela il y a certains blocages comme les papiers administratifs aux impôts, le problème de réseaux et les humeurs des agents de la fonction publique. Nous travaillons beaucoup avec de l’argent et quand nous faisons face à ces blocages c’est un peu frustrant. Il faut avouer que notre administration a encore du mal à s’approprier les technologies de l’information et de la communication. Il a encore une certaine lenteur administrative qu’on a souvent du mal à expliquer.

Ça m’emmène à rebondir avec la question de l’épanouissement professionnel. Beaucoup de travailleurs burkinabè ne sont pas épanouis dans ce qu’ils font. Quand tu vas vers quelqu’un qui doit t’aider à résoudre un problème, si par malchance tu tombes sur sa mauvaise humeur, tu vas récolter les pots cassés. C’est aussi ça qui nous pousse à faire des coups de gueule souvent.

Nous sommes jeunes, nous avons la fougue, nous avons l’énergie, on a la rage de faire avancer les choses, on a envie de bosser et lorsqu’on se rend compte que pour des intérêts personnels de certaines personnes, on a du mal à avancer, c’est frustrant. Ça fait énormément mal.

Faso7 : nous sommes en période de crise sanitaire ; quels en sont les effets sur vos activités ?

MDI : Au niveau de la boutique les commandes ont un peu diminué. Présentement nous sommes dans la confection de cache nez made in faso dan fani. Nous avons même livré près de deux mille (2000) cache nez. Il n’y a pas de bénéfice mais on fait ça pour être utile.

Nous arrivons à travailler mais de façon générale les activités sont au ralenti.  Nous sommes en confinement et nous avons une distanciation sociale à respecter. L’économie de façon générale même est affectée et on ne sait pas de quoi demain sera fait donc les gens ont peur de dépenser.

Cependant, je n’ai jamais été aussi motivé que pendant cette période de crise. Humainement ce n’est pas simple mais il faut resserrer les liens pour ne pas que cette maladie nous éloigne d’avantage car une fois que nous serons à bout de ce fléau, l’économie reprendra son envol et seul les plus motivés pourront suivre la cadence.

Faso7 : Quels message avez-vous pour vos jeunes frères qui veulent s’essayer à l’entrepreneuriat 

MDI : D’abord il faut se dire que nous ne sommes pas condamnés à l’échec. C’est ce que tout jeune doit se mettre en tête. Et nous avons au fond de nous cette force, cette détermination à déplacer des montagnes. Ce qui nous manque c’est l’introspection, ce voyage au plus profond de nous-même afin de connaitre nos forces nos faiblesses et nos limites.

Une fois tous ces paramètres élucidés, on aura compris que prendre des risques serait comme un jeu d’enfant. En plus de ça, il faut retenir que nous n’avons pas d’autre choix que d’espérer car si le désespoir nous atteint nous mourrons à petit feu.

Il ne faut jamais perdre espoir. Il faut se former, se perfectionner et surtout être compétent dans son domaine car les diplômes à eux seuls ne suffisent pas. 

Tout ce que je peux dire aux jeunes c’est de s’armer de courage, de ne jamais abandonner et d’être passionner de ce qu’on veut faire. Enfin il faut éviter les stéréotypes, la haine gratuite, le désir de piétiner l’autre pour être vu. Il faut par contre être positif, humble et travailler main dans la main afin de pouvoir relever les défis auxquels nous ferons face.

Propos recueillis par Amadou ZEBA

Faso7

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