Burkina Faso : Un combat de Thomas Sankara prend vie dans un complexe scolaire




Du haut d’une quinzaine d’années d’expériences dans l’utilisation du Faso Dan Fani comme tenue scolaire, le Complexe Scolaire Koanda et les Bravos du Siècle s’est installé comme un véritable pionnier. Pourtant, lors de l’ouverture de l’établissement en 2008, Abdoulaye Koanda était loin de s’imaginer que le projet allait bien prendre. Des voyages à l’international pour partager l’expérience de l’école à d’autres cultures, des récompenses et un projet de plus en plus apprécié, tels sont les éléments qui ont, entre-temps, animé la vie du complexe scolaire. Afin de comprendre davantage le projet, une équipe de Faso7 est allée échanger avec le promoteur de l’établissement, le mercredi 22 mars 2023.
Le lundi 6 février 2023, le ministre de l’Éducation nationale, de l’Alphabétisation et de la Promotion des Langues nationales, André Joseph Ouédraogo, a ouvert la session de réflexion sur l’institution de la tenue scolaire en Faso Dan Fani pour tous les scolaires du Burkina Faso. Une idée diversement appréciée des Burkinabè. Mais dans le domaine, un établissement scolaire situé à Marcoussi, un quartier de la ville de Ouagadougou, vit déjà l’expérience.
Situé à une dizaine de kilomètres du Centre-ville dans le quartier Marcoussi de la ville de Ouagadougou, le Complexe Scolaire Koanda et les Bravos du Siècle a ouvert ses portes en 2008. Contrairement à beaucoup d’autres établissements, le promoteur, Abdoulaye Koanda, au-delà d’une simple école, porte un projet révolutionnaire. Dès la création de l’établissement, les élèves ont l’obligation d’arborer le Faso Dan Fani comme tenue scolaire.
Au départ, les bâtiments ont été faits en banco. Des années plus tard, des constructions modernes, un jardin école et un verger ont fait leur apparition.



À l’entrée du complexe scolaire, le promoteur a voulu situer les visiteurs et les élèves sur l’idée qui est développée dans son établissement. Un écriteau met en évidence la philosophie de l’école (enseignement général, formation en tissage et production de pépinières).
Une fois à l’intérieur, difficile de distinguer les enseignants des parents d’élèves et des mères éducatrices. Tous ont noué des liens étroits avec les élèves. Pendant qu’un groupe d’enseignantes, assises sous un arbre, préparent de la salade en ce dernier jour des cours avant les congés du second trimestre, d’autres sont à l’atelier de tissage avec des élèves aussi.



Alors que le premier responsable est allé se préparer pour répondre à nos questions, nous sommes laissés entre les mains des élèves pour la suite de la visite. « Monsieur, il y a beaucoup à voir dans notre école », nous glisse une élève, visiblement contente de ce qui est fait au sein du Complexe Scolaire Koanda et les Bravos du Siècle.
Ainsi, des salles de classe au jardin, en passant par l’atelier de tissage, notre équipe a pu constater l’œuvre d’Abdoulaye Koanda avec ses Bravos du Siècle. « C’est nous qui travaillons dans les jardins et on prend soin aussi des arbres dans le verger », nous disent-ils avec enthousiasme. Une escale à l’atelier de tissage et nous nous rendons compte que l’engouement est total.
Des bousculades pour s’asseoir ou pour effectuer une tâche, des explications et des causeries avec les mères éducatrices sont ce qui constitue la routine, nous confie Oumou Kaboré, une mère éducatrice. « Les enfants veulent apprendre et nous aussi on est content de le constater », glisse Oumou Kaboré.



Alors que nous sommes plongés dans cet univers de l’apprentissage, le promoteur Abdoulaye Koanda nous rejoint dans un costume en Faso Dan Fani tissé au sein de l’école et aux couleurs de la tenue scolaire officielle au Burkina Faso. Fièrement, le menton levé, Abdoulaye Koanda avance vers nous. Cette fois-ci, il est prêt pour les échanges.
« Où en étions-nous ? Ah, je me rappelle ! », dit-il. Dans la cour de l’école, nous prenons place. Face à face. Le fondateur est motivé pour partager son expérience. Sa vision. « Quand j’ai eu le terrain pour l’école, je n’ai pas voulu faire un truc classique. L’idée que j’ai, c’est de promouvoir la culture en milieu scolaire pour booster l’économie locale », dit-il à l’entame de nos échanges. Et pour y arriver, il décide d’adopter le pagne Faso Dan Fani comme tenue scolaire, car pour lui, « l’école est l’endroit par excellence pour la promotion de la culture ».



Toujours porté par ses idées révolutionnaires, Abdoulaye Koanda n’a pas voulu mettre des limites à son imagination. Il décide ainsi de faire tisser les pagnes au sein même de son établissement par les mères éducatrices. « Cette idée, c’est pour créer une chaîne autour du projet. Les femmes tissent pour leurs enfants. Le surplus, on reverse à des grossistes pour revendre », nous fait-il savoir en prenant le soin de nous montrer toute la chaîne qui est effectivement représentée.
Allant encore plus loin avec son idée, il invite ses élèves à apprendre le tissage. Ainsi, les élèves qui le souhaitent sont initiés au métier à tisser au sein même de l’école. Une manière, selon Abdoulaye Koanda, de permettre aux enfants d’apprendre un métier tout en suivant un cursus scolaire classique et général.



Sur la revente des pagnes non utilisés par l’établissement, El Hadji Sidiki Derra, un commerçant grossiste de pagnes traditionnels tout joyeux et pressé de donner son point de vue se tient juste à nos côtés. Pour lui, c’est leur manière de soutenir le « noble projet » qu’Abdoulaye Koanda porte et développement depuis maintenant une quinzaine d’années. « C’est une très bonne chose que d’utiliser le Faso Dan Fani comme tenue scolaire. C’est une manière de perpétuer l’idée du Capitaine Thomas Sankara », glisse-t-il quand nous lui demandons de se prononcer.
Cependant, il a tenu à expliquer que si ce sont les acteurs qui interviennent dans la chaîne du Faso Dan Fani qui parlent, les autres ont tendance à voir du marketing. Néanmoins, il soutient et avec un ton assez imposant et ferme que « c’est même très bien ». « Si ce ne sont pas ceux qui n’aiment pas le Burkina Faso, il n’y a personne qui va penser que l’utilisation du Faso Dan Fani comme tenue scolaire est mauvaise », martèle le commerçant avec le réflexe du poing levé.
Même constat du côté des mères éducatrices qui tissent les pagnes et initient les élèves en même temps. Selon Abdoulaye Koanda, elles ont commencé à tisser les pagnes à l’extérieur avant d’épouser la suite l’idée d’initier les élèves au tissage. « Elles ont vraiment été réceptives quand j’ai expliqué le projet », soutient-il le visage tout souriant et exprimant du même coup sa reconnaissance à l’endroit des femmes.
Pour Oumou Kaboré, ce travail est bénéfique pour toute la chaîne. « C’est nous qui tissons les pagnes, nos enfants portent et le reste, on revend pour subvenir à nos besoins. Aussi, ça nous permet d’apprendre ce métier aux enfants qui veulent », fait-elle savoir.



Comme difficultés rencontrées, Abdoulaye Koanda et les mères éducatrices expliquent que c’est essentiellement la question de la disponibilité du fil. « Souvent, le fil n’est pas disponible. Sinon, nous ne rencontrons pas de problèmes de méventes. On a un partenariat avec les grossistes qui prennent les pagnes. À chaque fois qu’il y a des pagnes, ils prennent. Cela a été aussi une innovation apportée pour éviter des problèmes », souligne le promoteur de l’établissement avec un visage impassible.
Mais, il y a des difficultés antérieures à celle évoquée plus haut. Selon Abdoulaye Koanda, c’était au début de l’initiative que les vraies difficultés se sont posées. Incompréhension des parents d’élève, manque de soutien et manque de volonté de la part des élèves ont été les véritables points d’achoppement qu’il a dû surmonter pour continuer son projet.
« Quand j’ai amené l’idée, ce sont les enfants qui ont commencé à ne pas vouloir parce que c’est traditionnel. Ensuite, les parents ont suivi. Mais actuellement, ils ont tous adopté l’idée parce qu’ils ont compris que c’est un changement qualitatif et quantitatif que je veux apporter », relate Abdoulaye Koanda.



Comme appel, le promoteur du Complexe Scolaire Koanda et les Bravos du Siècle souhaite l’accompagnement des autorités pour le déroulement de son « projet révolutionnaire ». Des partages d’expériences au niveau national qu’au niveau international sont au programme et selon lui, « c’est une occasion de véhiculer, vendre et porter haut la culture du Burkinabè ».
Du côté des élèves, ils semblent bien apprécier l’idée. À l’idée d’être des pionniers de l’utilisation du Faso Dan Fani comme tenue scolaire, beaucoup témoignent être « très satisfaits ». Ainsi, nous avons vu des élèves qui ont des tenues d’une année, deux ans ou trois ans d’ancienneté. « Je suis très satisfait du parcours et je pense que l’avenir sera radieux et que d’autres écoles vont emboîter notre pas dans l’utilisation du Faso Dan Fani comme tenue scolaire », lance Abdoulaye Koanda pour conclure.
Basile SAMA
Faso7
Belle initiative. Il faudra pour le port du faso dafani à l’école qu’il y ait des aménagements en corelation. Climatiser les salles ou revoir les dimensions des ouvertures pour plus d’air dans les salles de classe.