Burkina Faso: Les personnes diabétiques face aux coûts élevés du traitement

Hamado souffre depuis maintenant plus d’une dizaine d’année. Fatigué et croulant sous le poids de l’âge et des restrictions alimentaires, il s’efforce de dégager de la joie et même à la partager. Pourtant, ce qui le fait souffrir «est traumatisant et fatigant». Mais pour cet homme qui vieilli par la force des choses, il n’est pas question de baisser les bras. Hamado souffre du diabète.

Le diabète est une maladie chronique caractérisée par un taux élevé de sucre de façon permanente dans le sang appelée hyperglycémie. Cette maladie est aussi liée à une insuffisance de la sécrétion de l’insuline par le pancréas et/ou à une résistance de l’organisme à l’utilisation de cette insuline qui permet de réguler le taux de sucre dans le sang. Au Burina Faso, des milliers de personnes souffrent de cette maladie et font malheureusement face à la cherté du traitement.

Hamado est l’un des personnes diabétiques a bénéficié de l’accompagnement de l’association ACDB – © Faso7

Samedi 19 mars 2022. Il est 8 heures quand nous arrivons au siège de l’Association Ambassadeur des Couches Défavorisées du Burkina (ACDB/ TIIMBO). Ils sont une dizaine de malades à avoir pris le rang de bonne heure afin voir la diabétologue, Dr Marie Madeleine Rouamba, pour le suivi et conseils. Le sommeil toujours dans les yeux, Hamado s’installe aux côtés de ses malheureux camarades.

A l’autre bout du couloir, des ronflements. Silence ! Il s’agit d’un malade. Il ne se prive pas de glaner quelques minutes de sommeil avant l’arrivée de la diabétologue. Pendant que certains se lancent dans des échanges sur l’actualité, d’autres par contre, l’air préoccupé, restent bien silencieux.

Au bout de quelques minutes, des questions d’une patiente plongent la salle dans le silence. Visiblement, il  s’agit d’un nouveau et le temps nous donnera raison. De son côté, Hamado, la soixantaine révolue, est pris dans une discussion avec ses enfants. De passage au « pays des Hommes intègres », il a profité pour effectuer son contrôle.

Une maladie insidieuse silencieuse qui peut évoluer pendant près de 10 ans sans que la personne ne sache qu’elle est malade

Insidieuse et silencieuse, le diabète est une maladie dont le taux de prévalence était en 2021 de 7,1% selon Dr Marie Madeleine Rouamba, diabétologue et présidente de ACDB qui s’est référée à une étude nationale. Alors que cette même prévalence n’était que de 4,9% en 2013.

Sous le poids de l’âge, c’est un homme confiant accepte d’échanger avec nous sur son quotidien depuis qu’il a été diagnostiqué diabétique. En effet, tout a commencé avec une blessure dont la plaie ne guérissait pas malgré les multiples soins. Et ce, durant 2 ans, selon les explications de Hamado.

Il a alors entrepris d’aller en consultation. « Un jour, je suis allé à l’hôpital, puis j’ai demandé à faire des examens. Après, l’examen a révélé que je souffrais du diabète et le médecin m’a mis sous traitement », a-t-il expliqué. Le diabète, selon lui, est une maladie très dangereuse, difficile à traiter et il est encore difficile de vivre avec, « surtout quand tu n’as pas les moyens ». 

De son côté, Dr Marie Madeleine Rouamba, explique que le diabète est une maladie insidieuse silencieuse qui peut évoluer pendant près de 10 ans sans que la personne ne sache qu’elle est malade. Cependant, un problème survient quand il s’agit de la prise en charge notamment des soins. Auparavant, l’accès aux soins de santé était difficile, tant sur l’aspect géographique que sur l’aspect financier.

Dr Rouamba est la présidente de l’ ACDB, l’association qui accompagne les personnes diabétiques en suivi et conseils – © Faso7

A écouter les explications du Dr Rouamba, le ministère de la santé, avec l’appui de ses partenaires, a consenti des efforts pour la formation des médecins dans les villes et les provinces pour relayer et décentraliser la prise en charge. Maintenant, il reste la question du coût à résoudre.

Selon ses propos, l’accessibilité géographique n’est plus un grand souci, mais l’accès au traitement demeure un défi majeur à cause du poids économique de celui-ci. En effet, il n’y a pas d’accompagnement financier pour les malades.

« En dehors des enfants dans le cas du diabète de type 1 où il y a Life for Chili qui soutient la prise en charge au niveau de l’Hôpital Yalgado Ouédraogo par l’apport d’insuline, les autres malades n’ont aucun accompagnement. C’est la famille, c’est le malade même qui se prend en charge totalement. Le coût est élevé et il y a des personnes qui se résignent à la fin. Les examens de suivi, composés du minimum sont la glycémie et l’hémoglobine glyquée. Le moins cher, c’est près de 6 000 F CFA », a-t-elle dit en prenant le soin d’ajouter que cette aide est toujours faible.

Le traitement du diabète est un poids économique très lourd pour les malades et certains sont souvent obligés d’abandonner. Pour le cas de « notre Hamado », la chance a cette fois-ci décidé de se mettre de son côté. En effet, il bénéficie de l’appui de ses enfants. D’un air soulagé et heureux, il explique que la gestion de la maladie est une situation complexe.

« Les médicaments sont couteux et aussi côté alimentation, c’est un problème. Pour vivre et travailler avec cette maladie, ce n’est pas facile. Souvent, tu risques d’abandonner. Sinon que d’autres meurent par faute de moyens. Suivre un traitement qui te coûte 30 000F CFA par mois, sans les moyens, n’est pas une chose facile. Avec le peu de moyens que j’ai, je me débrouille pour me soigner, puisque cela fait dix (10) ans jours pour jours que je vis avec le diabète », a-t-il relaté.

En plus des examens de suivi et du traitement, le malade diabétique doit suivre un régime alimentaire adéquat. Il leur faut non seulement avoir une alimentation saine, mais aussi réduire l’apport des féculents dont les céréales et les tubercules.

Selon Yacouba Sawadogo, nutritionniste et Directeur général du centre de médecine alternative, une personne diabétique doit privilégier les aliments riches en fibres. « Il doit consommer les fruits de préférence secs et de façon générale beaucoup de légumes, les aliments pauvres en lipides et également les aliments à faible salinité accompagnés d’exercices physiques et surtout boire beaucoup d’eau », souligne-t-il.

« Ce n’est pas facile, mais on se débrouille »

Cependant, le nutritionniste explique que pour leur importance dans le fonctionnement de l’organisme, les céréales ne sont pas à bannir intégralement. « Nos cellules en ont besoin pour fonctionner. Les céréales sont sources d’énergie des calories pour l’organisme. Leur absence peuvent nuire à notre santé », ajoute le Directeur général du centre de médecine alternative.

Il est à noter que ces personnes doivent aussi éviter les sucres dits directs, c’est-à-dire ceux qui font monter la glycémie, les sucrettes et les sucreries. Ils sont formellement interdits car ils augmentent le taux de glucose rapidement dans le sang et peuvent être sources de grands soucis de santé, selon Yacouba Sawadogo. « Les sucres dits lents sont conseillés à consommer avec modération juste ceux dont l’organisme a besoin pour bien fonctionner », précise-t-il.

Ce régime alimentaire constitue aussi un souci majeur pour les personnes diabétique car, il leur est quasi impossible de le suivre. « L’alimentation cause un sérieux problème et ce qui aide plus les diabétiques, c’est la pratique du sport, parce que le sport aide le corps à bruler l’excès de sucre dans l’organisme », relate Hamado. A cet instant, alors qu’il parlait, d’un geste peu nonchalant, Hamado relève la manche droite de sa chemise pour monter ses biceps. «Je suis en forme», semble-t-il dire, le regard fixé sur ses muscules.

Dans sa situation, Hamado partage les mêmes réalités que d’autres personnes. Dame Nikièma, a été diagnostiquée du diabète il y a plus de 5 ans maintenant. Visiblement peu convaincue de la durée de sa maladie, elle prend quelques instants pour réfléchir avant de nous raconter son problème.

« Je n’ai pas eu de signe quelconque, mais je maigrissais seulement. Je suis allée faire des examens mais rien. On est venu ici ( à l’Association Ambassadeur des Couches Défavorisées du Burkina, ndlr) et après examen, on m’a dit que c’est le diabète. La maladie a beaucoup duré avec moi avant sa découverte. Avec l’aide de mes enfants, j’arrive à suivre le traitement », s’est-elle prononcée.

Quand il s’agit d’aborder la question de l’alimentation, Dame Nikièma a expliqué qu’elle arrive à suivre les interdictions car dit-elle, c’est une question de santé. Des propos qui ont suscité des sourires de part et d’autres.

« Pour la nourriture, c’est trois fois par jour, c’est-à-dire matin, midi et le soir avant de prendre les produits. Ils ont dit de ne pas manger toutes les nourritures, mais comme tu veux la santé, tu es obligée de suivre seulement. Ce n’est pas facile, mais on se débrouille », explique la quinquagénaire.

l’Association Ambassadeur des Couches Défavorisées du Burkina (ACDB/ TIIMBO) soulage de nombreux malades – © Faso7

Le coût du traitement du diabète une fois déclaré est un défi majeur qui, souvent, entraine l’abandon chez certains malades. C’est le cas de Fati, restauratrice, qui a dû abandonner son suivi par manque de moyens d’une part et à cause de l’éloignement géographique. Au moment d’évoquer sa situation, elle pousse un soupir. Le désespoir se lit dans son regard.

« J’ai su que j’avais le diabète quand deux femmes sont venues dans mon restaurant me parler de dépistage de l’hépatite et du diabète. Je me suis approchée d’elles pour mieux comprendre. Malheureusement, c’était dans l’après-midi. Donc j’ai pu faire pour l’hépatite uniquement et le diabète je l’ai fait le lendemain matin à jeun. Les résultats du diabète étaient positifs et ils m’ont donné un papier pour aller à Zabr-daaga pour plus d’examens », a-t-elle relaté, toute triste et abattue.

Une fois passé au centre de santé de Zabr-daaga, elle a reçu les explications et les orientations nécessaires sur sa maladie. Commence alors le traitement. Seulement, elle n’était pas au bout de ses peines. Dame Fati, explique, les larmes aux yeux, avoir commencé les traitements dans une clinique de la place et que la teneur de la maladie avait baissée.

Ce « n’est pas une maladie des pauvres »

Malheureusement son accompagnant a été affecté par son service pour une autre ville et ce fut le bouleversement total pour elle. « J’ai abandonné car je n’avais plus quelqu’un pour m’accompagner et les moyens aussi n’étaient plus trop au rendez-vous », indique la dame de la quarantaine d’années.

Vivant avec la maladie depuis maintenant près de deux ans, la restauratrice a dû revoir son alimentation. « Le riz, je mangeais un peu ainsi que le tô parce qu’on ne m’a pas empêché de manger. Le sucre, je ne dois plus consommer ainsi que l’huile, le cube Maggi, le sel. Je dois diminuer la consommation aussi », dit-elle, pour minimiser l’impact de la maladie.

Dame Fati, d’expérience, a une vision toute faite du diabète. Ce « n’est pas une maladie des pauvres » car, selon elle, son régime alimentaire demeure problématique.

« Si tu arrives à suivre le régime prescrit, alors tu seras sauvé. Mais comme nous avons l’habitude de manger jusqu’à satiété, c’est aussi ça le problème. Si tu manges trop, tu souffres, pourtant la maladie demande à ce que tu n’aies pas le ventre vide. Elle creuse vite aussi le ventre, ce qui fait que c’est difficile de suivre le régime qui t’est prescrit, et cela a contribué à la montée du taux de glucose dans le sang encore jusqu’à 18, et j’ai recommencé le traitement », explique-t-elle, désespérée.

Le diabète n’est pas une maladie des pauvres , selon dame Fati – © Faso7

Le diabète est une maladie dont les facteurs de risques sont nombreux selon Dr Marie Madeleine Rouamba. En effet, ces facteurs sont entre autres la sédentarité, la mauvaise alimentation, le surpoids et l’obésité, le tabac. Ce sont des facteurs modifiables.

« Au Burkina, manger bien pour le profane consiste à consommer beaucoup gras, sucré et salé. Alors que ce sont des aliments qui sont générateurs de maladies. La malbouffe, c’est manger trop salé, trop sucré et trop gras, ça vous expose à des maladies », énumère Dr Rouamba.

Il y a également des facteurs non modifiables dont l’âge, le sexe, les antécédents familiaux de diabète ou antécédents de diabète gestationnel. Aussi, une femme « qui a eu un bébé qui a un poids supérieur ou égal à 4 kg, faites attention. C’est un signe d’alerte pour cette femme de développer le diabète plus tard », lance-t-elle.

Selon la présidente de l’Association Ambassadeur des Couches Défavorisées du Burkina (ACDB/ TIIMBO), Dr Rouamba, le diabète gestationnel disparait après l’accouchement, mais la personne est à risque, à un moment donné, de développer de façon permanente, la maladie.

Il tue 1,9 millions personnes par an soit 1 décès toutes les 6 secondes ou 5 000 morts par jour

Au Burkina Faso, des milliers de personnes vivent avec le diabète. C’est pourquoi le Dr Rouamba, avec les membres de son association, a eu l’idée de créer un cadre d’accompagnement des personnes diabétiques. A ce jour, plusieurs milliers de personnes ont été dépistés grâce à cette association et une centaine de patients reçoivent un accompagnement en termes de contrôle de glycémie et de conseils.

A travers le monde, le diabète touche plus de 463 millions de personnes. Il tue 1,9 millions personnes par an soit 1 décès toutes les 6 secondes ou 5 000 morts par jour. En Afrique, l’augmentation du nombre des diabétiques pourrait atteindre un taux de 140% d’ici les 30 prochaines années. Une hausse qui amènera le taux de prévalence de la population du continent africain à 5% en 2040. Un taux qui sera le plus élevé dans le monde, selon l’ONG Santé Diabète au Burkina.

Face à l’urgence, les consignes sanitaires sont à considérer et à mettre en application, selon les propos du Dr Rouamba. Autrefois dite maladie des riches, le diabète touche maintenant plus de personnes dans les pays dits pauvres.  En effet, 80% des personnes atteintes de diabète y résident.

Alice Suglimani THIOMBIANO

Faso7

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