‘’La Potasse’’ aux artistes burkinabè: « L’international ne se décrète pas »


Marius Diessongo, est un journaliste culturel burkinabè. Il a été reçu dans les locaux de Faso7 le lundi 21 février 2022 pour un entretien. Dans les lignes qui suivent, le journaliste revient sur les difficultés rencontrées par les acteurs culturels burkinabè et les solutions pour développer le secteur. Par ailleurs, Marius Diessongo, surnommé ‘’La Potasse’’ jette un regard critique sur des productions musicales qui suscitent des débats au sein de la société.


Faso7 : On vous surnomme la Potasse sur les réseaux sociaux, pourquoi cette qualification ?
Marius Diessongo : [La réponse dans cette vidéo]
Faso7 : Quels sont les difficultés que rencontre le secteur de la culture burkinabè ?
Marius Diessongo : Au niveau de la culture, quand on va parler des arts et des arts de spectacles, il y a certaines disciplines qui se portent très bien au Burkina Faso et qui constituent même des références sur le plan africain. Quand on parle par exemple de la danse, ceux qui sont dans la danse contemporaine se portent très bien. Si vous prenez Salia Sanou qui, récemment, a joué du côté de Chatelier en France, c’est une salle mythique. Vous prenez Serge Aimé Coulibaly qui tourne à travers le monde. Il y a Seydou Boro et pas mal de danseurs. Bienvenue Bazié, par exemple, si vous prenez ce compartiment, il se porte très bien, mais peut-être parce qu’il y a un manque de médiatisation.
Quand vous prenez au niveau du théâtre, vous avez de grands noms comme Aristide Tarnagda, Étienne Minougou et bien d’autres. Au niveau du théâtre, le Burkina est une référence. Le seul bémol, ça reste au niveau de la musique.
Donc, quand on parle de rayonnement parfois de la culture burkinabè, on a tendance à le focaliser uniquement sur la musique. Si on le fait uniquement sur la musique, on se trompe. Au niveau de la musique, c’est vrai qu’il y a un gros problème de positionnement véritable de la musique burkinabè. Quand on commence déjà avec la musique urbaine, les choses sont difficiles. Quand je parle de positionnement, c’est au-delà des frontières du Burkina Faso, sinon à l’interne, les choses ont été magnifiques cette année.
Vous avez Smarty qui a fait le stade municipal, Hamzy et Kayawoto ont fait respectivement la même salle, le Palais des sports de Ouaga 2000. Quand on compare avec certains artistes de la sous-région dans leur pays, ils n’arrivent pas à faire ces différentes salles.



Donc sur le plan interne, pour la musique, c’est bon. Maintenant, l’exportation de la musique burkinabè, c’est un véritable calvaire, un véritable problème. Il y a eu même des bureaux qui ont été créés. Il y a eu pas mal de choses, mais jusqu’à présent, on a du mal à véritablement rayonner. Il n’y a pas de recette miracle. C’est la création. Peut-être que ça viendra un jour, qu’on va exploser. On a eu de l’espoir avec Victor Démé mais l’aventure s’est arrêtée en cours de chemin. Awa Boussim a suscité de l’espoir lorsqu’elle a signé aussi avec Sony music, ça s’est arrêté aussi en cour de chemin. On espère qu’un jour, ça viendra.
Faso7 : Est-ce que les acteurs culturels (journalistes, artistes, mécènes et autres) sont à la hauteur des défis ?
Marius Diessongo : Pour les artistes, c’est la création. Il s’agit là d’un domaine qui est de la création et quand on va dans une dimension show-business, nous avons un show-biz nouveau et qui est en construction, d’autres disent embryonnaire. Le show-biz burkinabè est véritablement nouveau, ce qui fait que les gens sont dans l’apprentissage. Je parle du cas spécifique de la musique parce que c’est au niveau de la musique qu’il y a problème. Sinon, les autres disciplines s’en sortent très bien. C’est même des références au niveau de l’Afrique.
Au niveau de la musique, ça demande de gros moyens. Une production demande beaucoup d’argents. Après l’étape même de la production, la diffusion, la promo, ça demande énormément de l’argent. Est-ce qu’on a suffisamment des producteurs de gros calibres qui sont capables de mettre beaucoup d’argents pour positionner un artiste ? Pour faire la promo, que ce soit au Burkina Faso et hors du Burkina Faso, le problème se trouve au niveau de l’argent. Au niveau des artistes, certains s’en sortent plus ou moins bien dans la création, même s’il y a un gros travail encore à faire. Donc si je dois me résumer, il y a un problème de moyens, sinon les acteurs ne sont pas médiocres que ça. Ils s’en sortent dans l’ensemble.
Faso7 : Nous constatons qu’il y a une panoplie de festivals au Burkina Faso, quel est votre point de vue ?
Marius Diessongo : En premier lieu, un festival témoigne du bouillonnement du secteur musical, si c’est un festival consacré à la musique ou des différents secteurs que ça concerne. Cela montre que les gens travaillent, que les gens bougent. Maintenant le problème, quel est la plus-value de certains festivals ?
On a des festivals qui se ressemblent, des festivals, à la limite, qui n’apportent rien ou c’est consacré uniquement sur le divertissement. On va à des festivals pour boire, manger des brochettes et on retourne à la maison. Il y a des festivals qui n’apportent pas de plus-value. Il y a des festivals, on se demande bien, à quoi ça sert ?
Il y a des festivals qui sont des références. Quand vous prenez les Nuits Atypiques de Koudougou à l’époque, il avait su créer un pont de sorte à ce que certains artistes, lorsqu’ils jouent aux Nuits Atypiques de Koudougou, après ils se retrouvent à l’international pour des tournées parce qu’il y avait des acheteurs de musique qui venaient pendant ce festival pour détecter des talents. C’est le cas aujourd’hui avec Soko Festival, avec la ville de Belfort. Les lauréats du Soko festival ont la possibilité d’avoir une tournée à l’international, voici par exemple ce qui est concret.
Quand vous prenez Jazz à Ouaga, ça détecte aussi des talents. Mais il y a des festivals où il n’y a pas de plus-value. C’est uniquement la promotion de certaines brasseries. On vient manger, boire, s’amuser, c’est dommage. Si vous prenez aussi le festival ‘’Rendez-vous chez nous’’, c’est une belle lucarne. Grâce à ce festival, son lobbying a permis de construire des toilettes dans l’espace où le festival se tient.
De façon ramassée, il y a beaucoup de festivals, mais il y a très peu qui apportent de la plus-value. A la limite, ça ressemble à un phénomène de mode. Mais de cela, il y a des festivals qui se dégagent parce qu’ils offrent des opportunités aux artistes qui y participent et ils ont un aspect humanitaire en offrant des dons, en pavant des rues, en faisant des toilettes.
L’autre revers des festivals, c’est qu’on habitue le public à la gratuité du spectacle. Si tu veux voir un artiste, il suffit de t’acheter une bière, tu vas t’asseoir dans un festival, tu ne payes rien pour entrer, peut-être avec 600 FCFA ou 500 FCFA, c’est sûr que l’artiste, tu vas le voir gratuitement et à un moment, le jour où le concerné veut faire son concert payant, il a du mal à remplir parce qu’on l’a vue trop dans des festivals.
Faso7 : Kayawoto vient de faire une sortie intitulé ‘’ Selamin’’, et Toksa avec le titre ‘’ Le Truc’’ quelle est votre appréciation ?
Marius Diessongo : [La réponse dans cette vidéo]
Faso7 : L’éducation de l’enfant revient-il à l’artiste ou aux parents ?
Marius Diessongo : L’artiste, sans le vouloir, c’est un influenceur. Peut-être qu’en faisant sa musique, il ne veut pas forcément influencer, mais ça va impacter, puisse que sa musique est diffuser. C’est démontré que les parents seuls ne peuvent pas éduquer. Les gens passent combien de temps avec les enfants parce qu’ils doivent chercher la pitance quotidienne ? Tu ne vas pas trimbaler ton enfant avec toi au boulot. Donc, il y a des moments où il est libre, où il y a l’influence de la société.
Quand vous regardez les télés, il y a les signalétiques (interdit aux moins de …). C’est pour dire que la télé contribue à l’influence de l’enfant. Maintenant, avec l’influence des réseaux sociaux. S’il ne peut pas avoir ça à la télé, il peut avoir ça sur un portable, même si ce n’est pas son portable, c’est sur le portable de quelqu’un d’autre et ça peut l’influencer. Ça peut impacter.
Donc comme je le dit, l’artiste, sans le vouloir, s’il décide lui-même de le faire, à partir du moment où il est adulé par les enfants, ça peut donc les impacter, sa musique va les influencer et ça peut jouer sur leur comportement.
Faso7 : Existe-t-il des cas de harcèlements sexuels envers les femmes en échange d’une promotion dans le showbiz burkinabè ?
Marius Diessongo : C’est vrai qu’on entend parler de ces cas que je n’ai pas forcément croisé. Mais vous le savez, c’est le monde du show-biz, où hommes et femmes se côtoient, ça peut arriver, surtout qu’il y a aussi des femmes qui viennent dans ce milieu pour se faire connaître, pour vendre leur charme. Donc, ça peut être de part et d’autre. Ça peut arriver dans le milieu.



Faso7 : Quelle est la place des mécènes dans la culture ?
Marius Diessongo : Les mécènes sont les catalyseurs. Ce sont eux qui apportent un boom. Le mécène, c’est celui qui soutient les artistes sans demander quelques choses en retour. La musique ne peut se développer dans pays sans mécènes. Les mécènes sont vraiment incontournables. Quand vous prenez le cas du Nigeria, ce que les mécènes apportent dans l’industrie de la musique, c’est fou. Grâce à eux, ils ont permis de booster la musique au Nigeria.
Si vous prenez la Côte d’Ivoire, à l’époque il y a eu le premier ministre Bakayoko qui était un excellent mécène de la culture, qui a permis de booster la carrière de beaucoup d’artistes, dont notamment Dj Arafat.
Chez nous au Burkina Faso, il y a des noms qui circulent. Il y a Abdoul Service qui a accompagné des artistes, il y a eu Ebomaf qui a eu également à le faire, ainsi de suite. Donc, les mécènes sont incontournables. Ils sont très importants. Ailleurs même, il y a des lois. Il y a une loi sur le mécénat dans certains pays pour offrir des facilités aux mécènes. Si un mécène a une société, par exemple, lui offrir des facilités en termes d’impôts et des taxes parce qu’il contribue au rayonnement de la culture.
Faso7 : Qu’est-ce qui manque à nos artistes pour s’imposer sur le plan international ?
Marius Diessongo : [La réponse dans cette vidéo]
Faso7 : Selon vous, qu’est-ce qu’un influenceur ?
Marius Diessongo : Ça, c’est une question à polémique. Il y a des web-activistes et des influenceurs. Les web-activistes, ce sont ceux qui sont très actifs sur les réseaux sociaux. En moyenne, ils ont une fréquence de publication et ils s’intéressent à tous les sujets. L’influenceur en principe, c’est celui qui est concerné et concentré sur un sujet bien déterminé, par exemple, ça peut être au niveau de la mode.
Il fait des chroniques sur la mode. Il influe et à la longue, il peut recommander, il peut dire : Je vous invite à payer telle chaussure, parce-que c’est une chaussure à tendance, ainsi de suite. Cette personne est donc un influenceur à la différence d’un web-activiste, celui qui est très actifs sur les réseaux sociaux mais qui n’a pas un véritable impact sur le changement ou d’achat sur la vie de quelqu’un.
Faso7 : Si on parle d’influenceur culturel au Burkina, quel nom te vient en tête ?
Marius Diessongo : [La réponse dans cette vidéo]
Flora Younga (Stagiaire)
Faso7
Félicitations à Flora pour l’article