Premier discours du colonel Sandaogo Damiba : « Comme une forme de restauration de la révolution d’Août 83 » (Ousmane Paré)


Le Président du Mouvement Patriotique pour la Sauvegarde et la Restauration (MPRS), le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, a parlé pour la première fois aux Burkinabè, le 27 janvier 2022. Le journaliste à la télévision Burkina Info, Ousmane Paré, décrypte cette première adresse au micro de Faso7, ce 28 janvier 2022.



Faso7 : Quelle est l’impression qui se dégage après avoir écouté le discours du lieutenant-colonel Damiba ?


Ousmane Paré : A l’instar de bien de Burkinabè j’ai été touché par ce discours, la dureté des mots, la fermeté, mais surtout l’élégance vis-à-vis du régime déchu. Pas de mot méchant à leur endroit. Il dit même avoir échangé avec certains d’entre eux.
C’est rassurant… Tout comme le démenti du rétablissement de l’ordre antérieur. Mais on reste aussi dubitatif, partagé entre espoir et crainte car un discours reste un discours. Il vise à manipuler, à nous amener parfois à regarder dans le sens opposé.
Faso7 : Certains observateurs craignent des discours populistes, sans grand réalisme. Alors, quelle est votre sanction sur ce discours ? Populiste ou sincère ?
Ousmane Paré : La sincérité ou le caractère populiste d’un discours sont difficiles à établir au moment où il se produit. Le discours se mesure surtout sur la base de ses effets à moyen ou long terme.
Mais il faut reconnaître que le discours n’était pas pompeux et les « instruments » de mesure, je fais allusion à ces propos, le niveau de restauration de l’intégrité du territoire et la qualité des actions entreprises pour la refondation de la nation peuvent témoigner d’une certaine sincérité même s’ils restent vagues.
La sincérité c’est aussi cette adresse au commun des Burkinabè, le paysan qui a perdu sa récolte, l’éleveur aujourd’hui sans bétail et la femme cheffe de foyer qui se débat comme un beau diable pour subvenir aux besoins des siens.
Il donne un visage aux mots, s’adresse à tout le monde, dit ce que les Burkinabè vivent. Un peu de sincérité quand même dans le discours.
Faso7 : Sentez-vous un rapprochement avec les militaires du Mali, dans le discours ?
Ousmane Paré : Ça ne ressort pas clairement. Mais le flou autour de la durée de la transition laisse entrevoir qu’ils ne comptent pas laisser le pouvoir de si tôt.
Toutefois, ils ne sont pas pour l’instant dans le même registre polémique que les Maliens, surtout pour ce qui concerne les partenaires dans la lutte contre le terrorisme. Mais encore une fois, on voit cette volonté de faire durer la transition.
Faso7 : Faut-il accorder le bénéfice du doute au MPRS quant à sa volonté de bien faire ?
Ousmane Paré : Oui, on n’a nul autre choix. Ça reste un discours et on ne peut que les croire sur parole. Il faut reconnaître que la volonté de bien faire est affichée. Si le dire se fait action, on n’aura pas à regretter.
Faso7 : Le lieutenant-colonel Damiba a mis comme priorité des priorités, la reconquête du territoire et sa sécurisation. Quelle lecture faites-vous ?
Ousmane Paré : C’est la preuve que le discours prend racine dans les aspirations de la population, les frustrations exprimées les derniers jours du règne de Roch Kaboré.
Ousmane Paré : On sentait beaucoup de fermeté dans le discours. C’est déjà un bon pas cet avertissement. Il reste à savoir comment cela se traduira. Comment fera-t-on la différence entre les différents acteurs ? Il ne faudra pas non plus que ce soit un prétexte pour les militaires de confisquer le pouvoir. Les opportunistes il n’y en a pas que chez les civils.
Faso7 : Le Président du MPSR n’a pas manqué de proférer des menaces dès son premier discours. Le timing est-il indiqué ?
Ousmane Paré : Je ne pense pas. Ça fait plus craindre la répression. Peut-être une manière de dire aux civils, tenez-vous à l’écart…
Faso7 : Le discours de Damiba va-t-il convaincre la communauté internationale ?
Ousmane Paré : Convaincre, je ne sais pas. Mais c’est au moins rassurant de dire que les engagements seront respectés et de ne fâcher aucun partenaire. L’ouverture rassure. La convictionn c’est autre chose.
Faso7 : Pour parler du MPP, Damiba a utilisé « régime sortant », une manière de manager ou un appel au dialogue ?
Ousmane Paré : Une manière élégante de montrer sa disponibilité à travailler avec tout le monde. N’oubliez pas la tentative d’assassinat dont a parlée le MPP dans sa première déclaration. Les choses n’ont pas été simples ; une manière d’adoucir et d’élargir les bases.
Faso7 : L’insurrection populaire d’octobre 2014, qui était la référence du ‘plus rien ne sera comme avant’, n’a pas été mentionnée. Est-ce une manière pour le MPSR de marquer la « nouvelle ère » ?
Ousmane Paré : Effectivement. Mais il ne faut pas oublier la particularité de ce discours qui se présente comme une forme de refondation ou du moins de restauration de la révolution d’août 83. C’est vrai que parlant de restauration, Damiba dit « restauration de la paix » mais son discours est traversé par l’hymne national « méthode cynique« ; « marche triomphale vers l’horizon du bonheur« , des allusions ou citations du Ditanyé qui rappellent la révolution d’août 83 qui ne passent pas inaperçues dans le discours.
Une nouvelle ère, oui, qui tire peut-être ses racines de cette révolution démocratique et populaire.
Entretien réalisé par Abdou ZOURE
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