[Tribune]  «La guerre du Niger n’aura pas lieu »

Ceci est une tribune de l’écrivain Youssouf Savadogo sur la situation au Niger. Il estime qu’une intervention militaire dans ce pays n’est pas une bonne idée. Il lance un appel aux chefs militaire de la CEDEAO et de l’Union africaine.

 Considérant la gravité et l’enjeu majeur  que la guerre de la CEDEAO contre le Niger pourrait causer, il demeure urgent d’interpeller les chefs  militaires  et militaires de rang de l’espace  CEDEAO et de l’Union africaine.    Avant tout propos, permettez-moi de vous féliciter pour votre  bravoure quant à la défense de vos peuples respectifs. C’est une fierté pour l’Afrique toute entière. Nous n’avons jamais douté de vos compétences à ce sujet.

Vos parents africains ont été utilisés comme des boucliers humains pour sauver la France. L’Afrique s’est faite dépouiller depuis l’époque coloniale à nos jours. Nous osons croire qu’il y a un temps pour se taire, un temps pour parler, un temps pour s’asseoir et un temps pour se lever et pour se défendre. Le temps pour défendre, l’Afrique en général  et le Niger en particulier, a sonné.

Nous sommes jeunes, mais nous connaissons l’histoire. Les brimades, l’exploitation sans réserve de nos ressources naturelles, les travaux forcés, les complots, le pillage de nos valeurs culturelles, l’écriture tronquée de notre histoire, l’instrumentalisation de certaines armées africaines ont révolté nos peuples.  Au regard de la pérennisation  de cette soumission occulte, les dignes fils de l’Afrique refusent une coopération à perte à long terme avec les Occidentaux.

Messieurs les chefs militaires et militaires de rang, en écoutant les déclarations de certains chefs d’État, nous pouvons conclure que ces gourous  du moment sont capables de vous banquer à la hauteur de vos aspirations. Mais, moi je n’ai reçu aucun centime de qui que ce soit pour vous déconseiller la guerre du Niger.

Devant Dieu je n’ai jamais serré la main d’un président en exercice, et ça ne m’intéresse pas non plus de le faire. Je joue mon rôle d’écrivain. Ma satisfaction est morale et spirituelle.  Si aujourd’hui, j’entends que la guerre du Niger n’a pas eu lieu, je rentre, je me couche et je m’endors en rendant grâce à Dieu. Je déteste l’injustice et je veux voir mon Afrique, notre Afrique, émerger.

« Mener une guerre aujourd’hui contre le Niger serait peine perdue »

Vu la réalité du moment, l’Afrique se bat en réalité pour survivre. Les mouvements de coups de force sont une révolution des peuples et des armées brimés depuis la nuit des temps. Si la CEDEAO ne révise sa politique avec les colonisateurs, d’autres  révolutions surviendront les mois à venir dans d’autres pays de l’espace. Et ça ne saurait tarder.

Pour ce faire, mener une guerre aujourd’hui contre le Niger serait peine perdue. Aussi, le Président Gbagbo a l’habitude de dire, « Si on t’envoie, il faut savoir t’envoyer ».  Chers professionnels de l’armée, cette guerre contre le Niger sera la guerre la plus ridicule de l’Afrique.  Vous savez, lorsque certaines personnes  vieillissent, elles perdent énormément le sens du raisonnement. Vous ne désobéissez pas,  mais vous en tant que techniciens de guerre, montrez-leur  l’inopportunité de cette guerre.

Certes, ces « va-t-en guerre » ont les moyens financiers pour vous mettre dans les conditions, mais le regret, la honte et le désarroi vous rattraperont.

Douze raisons majeures nous enseignent que cette guerre ne doit pas avoir lieu.

1- Cette intervention militaire ne fait pas l’unanimité au sein de la CEDEAO. Les vrais patriotes, et panafricains se sont opposés. La majorité a voté par complaisance, et pour satisfaire certains vieillards. Les vrais va-t-en en guerre ne dépassent pas 3 . Et tout le monde les connaît.

2- Les institutions (Assemblée nationale, Sénat) n’ont pas été consultées au préalable. Donc une forte opposition intervient dans les différents clans.

3- Les forces vives des pays concernés n’avalisent pas cette guerre.

4- La justification de cette intervention militaire, ne convainc pas les populations. Elles sont au contraire solidaires avec le peuple nigérien.

5- L’urgence, c’est la présence des terroristes au Sahel. Une armée conjointe des pays membres de la CEDEAO à cet effet, rendra énormément service à l’Afrique.

6- La condamnation des ONG, des hommes de médias, des chefs religieux, etc.

7- La dénonciation du peuple nigérien et son attachement aux nouvelles autorités.

8- Les répercussions néfastes dans la sous-région et le renforcement des positions djihadistes.

9- La CEDEAO n’est pas dans son rôle légal et juridique.

10- La non adhésion de tous les militaires  à cette guerre.

11- La détermination des nouvelles autorités et l’appui extérieur à riposter en cas d’attaque.

12- La faiblesse de l’institution,  la précipitation et l’incohérence dans les décisions.

Chers frères Africains d’ici et d’ailleurs, ayez pitié du peuple du Niger. Si nous nous entêtons à faire coûte que coûte cette guerre,  Dieu défendra le Niger et l’Afrique.

Dieu bénisse le Niger et l’Afrique entière !

À ceux qui ont compris et qui ont décidé de se ranger du côté du peuple nigérien, vous avez choisi le chemin de la justice. Car soutenir le peuple et l’armée nigériens serait un acte très fort, d’une bonne conscience. La CEDEAO s’est rangée du côté de l’injustice afin de confisquer les droits élémentaires de tout un peuple. Combattre donc au côté de l’armée nigérienne, c’est combattre l’impérialisme et ses valets locaux,  comme le disait Thomas Sankara. La guerre ce n’est pas seulement la force ! C’est aussi, la stratégie, la détermination, la bonne conscience, la défense d’un idéal.

Et cet idéal que vous défendez est celui des Africains honnêtes, patriotes, valeureux et dignes d’approbation. Il vaut mieux mourir pour une cause juste, que de mourir un jour dans la servitude.

  Peuples du Burkina Faso, du Mali, du Niger nous avons déjà la victoire. Cette victoire est morale, spirituelle, physique et psychologique.

Vive le trio panafricaniste, intègre qui incarne les vraies valeurs africaines.

Dieu est de votre côté.

Youssouf Savadogo

Ecrivain burkinabè

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