Litige foncier : Un affrontement entre des habitants de Dabaré et de Gaskaye fait un mort

Les litiges fonciers au Burkina Faso sont légion. En effet, dans plusieurs localités du pays, dans les villes comme dans les campagnes, il est très fréquent de rencontrer des cas de litige liés au foncier. Il arrive souvent que ces litiges conduisent à des affrontements. C’est le cas des habitants de Dabaré et de Gaskaye qui en sont arrivés aux mains dans la journée du 30 juin 2023 pour régler le litige qui les oppose depuis plusieurs années. Dans cet affrontement, une personne a perdu la vie. Certaines personnes ont été blessées. D’énormes dégâts ont également été enregistrés. Qu’est-ce qui s’est réellement passé ? Quelle est l’origine de ce litige qui a fini par enflammer le tissu social qui couvrait des populations d’une même origine ?

30 juin 2023. Adama Ouédraogo, 50 ans, natif de Dabaré et résident à Ouagadougou, après avoir passé la fête de Tabaski décide d’aller rendre visite à ses parents restés dans son village Dabaré, à 35 km de Ouagadougou. Marquant une pause en cours de route, il est rejoint par Salam Ouédraogo, la soixantaine, aussi ressortissant de Dabaré et résident au quartier Somgandé de Ouagadougou. Ils feront chemin ensemble.

Sur le chemin, entre Pabré et Dabaré, les deux hommes vont croiser la route de dizaines de personnes armées entre autres de machettes et de bâtons. Adama Ouédraogo et Salam Ouédraogo sont violemment agressés. Adama Ouédraogo perd la vie. Salam Ouédraogo, grièvement blessé est conduit à l’hôpital Yalgado. Il aura la vie sauve après avoir reçu plusieurs soins. C’est d’ailleurs lui qui relate les faits. A en croire le sexagénaire, les agresseurs étaient des ressortissants de Gaskaye. Il dit avoir reconnu un Conseiller villageois de développement (CVD) de Gaskaye.

Adama Ouédraogo et Salam Ouédraogo ne sont pas les seuls ressortissants à avoir été agressés par ceux de Gaskaye, dans la journée du 30 juin 2023. Mady Ouédraogo et Issouf Ouédraogo ont aussi été agressés et chassés de leurs champs. L’unique bœuf utilisé par Issouf Ouédraogo pour labourer son champ, lui a même été arraché par ses agresseurs.

Face à ces multiples actes d’agression, les ressortissants de Dabaré se sont organisés pour riposter. Les affrontements entre les deux villages ont duré dix jours, laissant des stigmates de violence. Des maisons et des biens ont été incendiés, des vivres détruits, des portes défoncées, des motos abandonnées et des charrues volées. Le bilan humain fait état d’un mort (Adama Ouédraogo) et plusieurs blessés des deux côtés. Une enquête judiciaire a été ouverte.

Des engins endommagés lors des affrontements

L’origine du litige

Le village de Dabaré est sous l’autorité du Larlé Naaba et celui de Gaskaye est sous l’autorité du Soa Naaba, par ailleurs actuel président du Conseil Économique et Social (CES). Tous les deux chefs coutumiers sont des ministres du Moogho Naaba, empereur des Mossés. Les deux villages tireraient leur origine commune de Goupana, une autre localité du département de Pabré. Qu’est-ce qui est l’origine de ce litige qui a fini par déchirer le tissu social couvrant les fils et filles de même origine ?

Selon Madi Ouédraogo, conseiller villageois pour le développement (CVD) de Dabaré, tout est parti d’une affaire de construction d’une école. A l’en croire, avant le 6 novembre 2003, Dabaré était considéré comme un quartier du village de Gaskaye. À cette époque, le village disposait d’une école primaire avec six classes, qui compte à nos jours 329 élèves et 9 enseignants. Cependant, un arrêté pris en novembre 2003 a élevé Dabaré au statut de village indépendant, le séparant ainsi de Gaskaye. Suite à cette séparation, l’école primaire en question est restée sur le territoire de Dabaré.

Au loin, l’école primaire de Gaskaye, qui se retrouve à Dabaré après la séparation

Quelque temps après, Gaskaye a bénéficié d’un projet de construction d’une école à trois classes. Cependant, les ressortissants de Gaskaye considérant que Dabaré relève toujours de leur territoire, ont choisi un site se trouvant à Dabaré pour la construction de ladite école. Les ressortissants de Dabaré se sont donc opposés à la construction de cette école qui devait appartenir à Gaskaye. L’absence d’une délimitation formelle de la frontière par l’administration entre les deux villages depuis la séparation en 2003 a contribué à alimenter les animosités.

Suite au refus de Dabaré de céder cette partie de son territoire pour la construction de l’école de Gaskaye, sa population a été interdite d’accès au marché de Gaskaye. Il s’agit de l’unique marché que fréquentaient les habitants des deux villages, même après la séparation en 2003. Des ressortissants de Dabaré qui pratiquaient l’agriculture maraîchère au niveau du barrage situé également à Gaskaye ont aussi été chassés. En définitive, les ressortissants de Gaskaye ont déclaré les ressortissants de Dabaré persona non grata, à la limite de leur territoire.

Médiation des autorités de Goupana

Avant les violences du 30 juin 2023, des démarches ont été entreprises pour une issue favorable, afin surtout de permettre aux cultivateurs de Dabaré de pouvoir cultiver leurs champs se trouvant à Gaskaye.

Dans cette recherche de solution, des émissaires ont été envoyés auprès du Sao Naaba dans le département de Yako, province du Passoré, afin de vérifier l’information selon laquelle il a donné l’ordre d’empêcher les ressortissants de Dabaré de cultiver sur ses terres à Gaskaye.

Rapibla Sawadogo-©Faso7

En réponse, le Soa Naaba a déclaré qu’il n’avait jamais donné l’ordre d’interdire aux habitants de Dabaré de cultiver sur son territoire, a confié Rapibla Sawadogo, l’un des émissaires envoyés par les autorités coutumières de Goupana qui tentent la médiation entre les deux villages.

L’irréparable se produit…

Sur proposition du Soa Naaba, les chefs de terre de Goupana ont poursuivi leur médiation. Cette médiation avait abouti à l’observation d’une trêve entre les deux parties. Les habitants de Dabaré avaient même été autorisés à installer un petit marché pour pouvoir subvenir à leurs besoins. Cependant, la situation a rapidement dégénéré lorsque les habitants de Gaskaye sont venus demander l’arrêt de cette installation du marché.

A un moment donné, les chefs de terre de Goupana ont décidé de ne plus se mêler de l’affaire. Et ce qui devait arriver, arriva. Les habitants des deux villages aux mêmes origines s’affrontent violemment. 

« C’est après les faits que nous avons été informés. S’ils avaient accepté nos propositions, cela ne se serait pas produit. Mais comme ils se sont entêtés, que pouvons-nous faire ? Au lieu de rechercher l’apaisement, les habitants de Gaskaye ont voulu s’en prendre à nous, nous accusant de prendre la défense de Dabaré. Ce n’est pas par favoritisme pour Dabaré que nous nous sommes impliqués. Mais l’histoire ne ment pas. S’ils affirment que ce n’est pas un ressortissant de Goupana qui a installé Dabaré, qu’ils trouvent qui l’a fait. Tout cela semble être une raison pour s’en prendre à Goupana », a jugé Karim Sawadogo, un doyen de Goupana.

La délimitation comme solution définitive

Selon Karim Sawadogo, le désir des habitants de Dabaré est de trouver une résolution équitable et juste pour préserver la paix et la stabilité entre les villages. Pour arriver à cette paix, le CVD estime qu’une délimitation territoriale de manière adéquate peut y contribuer fortement. Il exhorte alors les autorités administratives locales à procéder à cette délimitation. C’est aussi le vœu du doyen et le chef de terre de Goupana.

Le doyen de Goupana-©Faso7

En attendant, Karim Sawadogo a peur que les ressortissants de Gaskaye s’en prennent à ceux de Goupana comme ils l’ont fait avec ceux de Dabaré.

 « Les habitants de Gaskaye pourraient s’en prendre à Goupana, comme ils l’ont fait avec Dabaré, et je ne pense pas que nous allons nous laisser faire. Même lorsque les habitants de Gaskaye sont venus nous provoquer, si nous avions laissé faire nos jeunes, cela aurait été désastreux. Heureusement, nos jeunes nous ont obéi », a-t-il prévenu.

Les tentatives pour entendre la version des ressortissants de Gaskaye sont restées vaines. Du fait des barrages érigés sur la principale route accédant au village, nous avons tenté de discuter avec le CVD du village par téléphone. Ce dernier également a décliné l’offre.

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2 commentaires

  1. L’article est bien confus et mal documenté mais il est à l’image de la situation foncière dans laquelle se trouve le Burkina Aujourd’hui.
    Çà ne fait que commencer. ce qui se passe là est la préfiguration de l’explosion qui attend tout le Burkina si rien n’est fait. le problème entre ces deux villages contient tous les ingrédients des tensions à venir et à grande échelle à savoir : confusion entre autorités coutumières et autorités administratives, dévoiement des chefferies coutumières (on parle d’un empereur des mossées qui n’existe pas, de commandements de chefs qui n’existent pas. Seule l’administration coloniale avait créé des commandements pour affaiblir l’autorité des chefferies centrales moogho naba y compris), mise à l’écart de la chefferie de terre la seule habilitée à parler de la terre….. Il faut, il est urgent et il est indispensable que l’État s’assume. LA TERRE, TOUTE LA TERRE SANS UN SEUL MILLIMÈTRE CARRÉ EN MOINS APPARTIENT À L ÉTAT ET RIEN QU’A L’ÉTAT.
    Cela passe par l’annulation des appropriations de complaisance, l’annulation des lotissements sauvages fait par les maires de la 4e République, l’abandon de la communalisation intégrale imposée par la Banque mondiale, le démantèlement des bornages improvisés et des clôtures de sites insultants, le retour dans le domaine public des espaces publics spoliés tels les réserves les espaces verts, les zones non constructibles, le transfert du cadastre à une seule autorité centrale, plus d’attribution de PUH ou de permis de construction sans une destination en conformité avec un plan d’aménagement du territoire et d’un plan de financement vérifiable, la définition claire des zones rurales et zones urbaines (de Ouaga à Laye on est toujours à Ouaga désormais), des zones d’habitat, de culte, de commerce, d’industrie…. Voilà les obligations d’un ÉTAT. s’il ne peut pas les remplir, qu’il se prépare au pire……. lequel n’est plus loin

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