Burkina Faso : Les artisans miniers réclament un couloir dédié à l’orpaillage

Koutiga Mahamoudou Kouama est le Secrétaire général du Syndicat des exploitants miniers artisanaux du Burkina Faso (SYNEMAB). Son organisation regroupe plus de 500 000 adhérents répartis dans les 13 régions sur 300 sites. Mais sur l’ensemble du territoire national, selon les statistiques, l’on dénombre plus d’un million d’artisans miniers. A l’occasion de la tenue de la deuxième édition de la Journée de l’artisan minier (JAM 2023) qui s’est tenue les 21 et 22 juillet 2023 à Gaoua, Faso7 lui a tendu le micro.

Faso7 : Dans l’ensemble, quelles sont les difficultés auxquelles sont confrontés les artisans miniers ?

Koutiga Kouama : Il y en a pas mal de difficultés, mais la difficulté majeure se trouve au niveau des sites d’exploitation minière artisanale. Parce que vous savez qu’avec les sociétés minières, il y a un problème. Avec les propriétaires terriens, il y a un problème. Avec les riverains, on a des problèmes. Donc, on ne sait plus sur quel pied danser. Dans ce sens, on est en train de voir dans quelle mesure on pourra accorder nos violons pour trouver un terrain d’entente sur ces difficultés.

Faso7 : Parlant de difficultés, il y a actuellement un problème entre artisans miniers et la mine industrielle à Houndé. Est-ce que votre organisation a un œil sur le problème ?

Koutiga Kouama : Les difficultés à Houndé ne datent pas d’aujourd’hui. Mais je me dis que le problème clé, c’est le manque de communication. On néglige certaines choses et ça devient un problème après. Je crois qu’ils ont même créé, à l’issue des événements qui se sont passés il y a un an de cela, ils ont créé un comité de réflexion et d’anticipation sur ce genre de conflits. Mais je ne sais pas si ça regroupe la grande majorité des acteurs.

Mais ce qui s’est passé à Houndé nous a un peu surpris. C’est comme je l’ai dit, l’orpailleur voit ses intérêts. La mine aussi voit ses intérêts. Mais il faut qu’il y ait une solution. Nous, on essaie de vouloir mettre en place un cadre de concertation entre les différents acteurs pour pouvoir parler le même langage. Sinon eux (mines industrielles, ndlr) aussi, ils parlent de leurs droits, nous (artisans miniers, ndlr) aussi, on parle de notre légitimité. Donc, ça fait deux choses différentes et il faut qu’on s’asseye pour pouvoir trouver la solution.

Koutiga Mahamoudou Kouama, Secrétaire général du Syndicat des exploitants miniers artisanaux du Burkina Faso (SYNEMAB) – © Faso7

Faso7 : Le lien est fait entre l’orpaillage et le financement du terrorisme au Burkina Faso. Vous qui êtes du milieu, comment appréhendez-vous le sujet ?

Koutiga Kouama : Bon, on n’a pas vraiment les informations réelles. Mais il faut se dire qu’un artisan minier dans ce genre de choses, je ne pense pas ! Les artisans miniers n’ont pas de relation avec ces gens. Au contraire, ils en subissent. Maintenant, se dire que ça peut être un nid de financement de terroriste, c’est à vérifier. Il faut toujours fouiller.

Sinon l’orpailleur qui descend dans un trou de 100 à 200 mètres et peut y rester pendant une semaine, deux semaines, voire un mois, je ne pense pas que ce dernier-là va faire sortir ces trucs et aller collaborer avec ces gens ! Bon, c’est comme je l’ai dit, c’est à vérifier.

Faso7 : Dans la même veine, le gouvernement a décidé de suspendre l’exploitation minière artisanale. La suspension n’est pas encore levée. Comment mesurez-vous l’impact de cette décision ?

Koutiga Kouama : C’est une mesure qui est forte, due à l’insécurité qui sévit au Burkina Faso, mais je me dis qu’il y a toujours des zones qui ne sont pas encore touchées. On a demandé à ce qu’on essaie de voir ces zones en attendant qu’on ne puisse sécuriser et récupérer le territoire. Comme c’est une mesure, on l’a acceptée, mais les impacts sont énormes. Si on ferme tous les sites du Burkina, ça va amener beaucoup de choses. On est en train de discuter avec les autorités pour qu’on puisse voir dans les zones où l’insécurité est vraiment moindre.

Pour l’impact, on a des retours parce que les gens ne savent plus sur quel pied danser. Si un site est fermé, ils (les orpailleurs, ndlr) ne veulent plus retourner à la terre. C’est un problème. Donc cette mesure a un impact énorme et je pense que d’ici là, on va trouver une solution à ce problème.

Faso7 : Il y a aussi le projet de mise en place d’unité de production semi mécanisée d’or au profit de l’État. Comment jugez-vous ce projet ?

Koutiga Kouama : C’est un bon projet et nous adhérons à ce projet. Nous sommes en concertation avec l’Etat pour voir les conditions de ce projet, s’il faut forcément qu’on quitte l’informel pour être dans le formel. Donc, dans ce sens, ça va amoindrir beaucoup de problèmes dans l’orpaillage en plein air. Si on arrive à organiser ça, je me dis que c’est une bonne chose. C’est notre souhait même.

Nous négocions pour qu’ils nous donnent des couloirs en attendant que des zones dédiées spécialement pour l’orpaillage soient créées

Faso7 : La deuxième édition de la Journée de l’artisan minier (JAM) traite pour sujet principal, la formalisation des artisans miniers. Pensez-vous que cette formalisation sera acceptée ?

Koutiga Kouama : Oui, ils sont prêts à ça ! Mais maintenant, c’est formaliser sur quoi ? Sur quel site ? Des gens sont en train de parler, mais je dis, le thème, c’est vrai, mais sur quel site ? Des sites où vraiment, si je peux m’exprimer ainsi, l’ANEEMAS (Agence Nationale d’Encadrement des Exploitations Minières Artisanales et Semi – mécaniséesndlr) ne maîtrise pas ? Il y a combien de sites que l’ANEEMAS maîtrise ? Il y a combien de gens à qui on a demandé des AEA (Autorisation d’exploitation artisanale, ndlr) jusque-là, il n’y a pas eu de suite ?

Il faut forcément revoir les textes où on dit que quand il faut demander une convention, il faut avoir l’accord de la société minière. Ce point bloque un peu les choses.

Ce qu’on a demandé, c’est qu’il y ait un couloir dédié à l’orpaillage. Là, on ne va pas s’emmerder trop ! Dans le couloir des sociétés minières aussi, on a demandé qu’il y ait un couloir. Ça, c’est en négociation parce que ce n’est pas forcé qu’ils (mines industrielles, ndlr) nous donnent des couloirs. Mais nous négocions pour qu’ils nous donnent des couloirs en attendant que des zones dédiées spécialement pour l’orpaillage soient créées.

Faso7 : Comment appréciez-vous la tenue de cette deuxième édition de la JAM ?

Koutiga Kouama : Vraiment, on apprécie favorablement l’organisation de cette deuxième édition. Malheureusement, il n’y pas eu un bilan de la première édition. Il fallait voir, à l’issue de la première édition, quelles étaient les recommandations, et est-ce que ces recommandations ont été suivies.

A l’avenir, ce qu’on souhaite, c’est qu’on puisse mettre en place un comité de suivi des recommandations et pérenniser la JAM qui regroupe pas mal de gens. A travers ça, les expériences et les expertises se partagent à travers les rencontres.

Propos recueillis par Ignace Ismaël NABOLE

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