Burkina Faso : 30 mois de prison ferme requis contre l’activiste Mohammed Sinon

Le procès de l’activiste Mohammed Sinon s’est rouvert ce 18 juillet 2023 dans la Chambre correctionnelle du Tribunal de Grande Instance de Ouaga I. Il est poursuivi pour diffamation et mise en danger de la vie d’autrui, notamment envers la Gendarmerie nationale.

Mohammed Sinon est accusé d’avoir publié sur Facebook au début du mois de mai 2023 un audio et une vidéo dans lesquelles il aurait ouvertement critiqué le corps de la Gendarmerie nationale. Dans l’audio, il aurait déclaré que la Gendarmerie ne s’implique pas à 100% dans la lutte contre le terrorisme et la corruption, ce qui aurait porté atteinte à l’honneur et à la réputation de la Gendarmerie et exposé ses membres à des agressions pouvant entraîner la mort ou des blessures.

A l’ouverture du procès, Mohammed Sinon a plaidé non coupable pour les faits qui lui sont reprochés. Il a déclaré : « Je ne reconnais pas les faits, car ce qui a été rapporté ici n’est pas ce que j’ai dit ».

La vidéo et l’audio incriminant Mohammed Sinon ont été diffusés au tribunal. Dans l’audio, Mohammed Sinon déclare notamment : « La Gendarmerie ne s’investit pas à 100% dans la lutte avec vous. Faites ce que vous allez faire, ils ne sont pas avec vous à 100% ».

Selon lui, en parlant de lutte, il faisait référence uniquement à la lutte contre la corruption. « J’ai dit cela en fonction de mon expérience et parce que ma principale préoccupation est la lutte contre la corruption. C’est ce qui m’a poussé à m’adresser aux jeunes pour les sensibiliser sur la corruption, car selon moi, la Gendarmerie ne s’investit pas suffisamment. C’est le message que je voulais faire passer », a-t-il soutenu.

« C’est mon point de vue »

Mohammed Sinon a expliqué qu’il avait produit l’audio et la vidéo après avoir été témoin d’un cas de corruption impliquant des gendarmes. Il a raconté qu’au cours d’un contrôle, les gendarmes dans sa vidéo avaient pris de l’argent sans délivrer de reçus à des jeunes qui n’avaient pas leurs cartes d’identité, y compris lui-même qui avait volontairement caché la sienne pour vivre cette expérience. Il dit avoir avait filmé une partie de la scène à l’insu des gendarmes.

Dans l’audio diffusé, Mohammed Sinon a par ailleurs appelé le Président de la Transition à dissoudre la Gendarmerie nationale et à répartir ses effectifs entre l’Armée nationale et la Police nationale. Interrogé sur les motivations de cette proposition, l’accusé a répondu que c’était son point de vue. « C’est mon point de vue. Je suis informé et en me basant sur des expériences dans d’autres pays, j’ai formulé cette proposition au Président. Pour la suite, c’est à lui de décider », s’est-il défendu.

Pour le ministère public, Mohammed Sinon manque de courage pour dire la vérité. Il estime que l’accusé faisait bel et bien référence à la lutte contre le terrorisme. « Monsieur Sinon, la lutte que nous menons aujourd’hui, est-ce la lutte contre le terrorisme ou la lutte contre la corruption ? Nous reconnaissons que la frontière entre la corruption et la lutte contre le terrorisme est assez claire. La lutte que nous menons aujourd’hui est la lutte contre le terrorisme », a observé le procureur.

‘’Déshonneur inconcevable’’

A ce procès, la gendarmerie nationale était représentée par le lieutenant-colonel Coulibaly Tamou, directeur général de la Police judiciaire de la Gendarmerie nationale. Appelé à la barre, il a indiqué que la Gendarmerie nationale ne pouvait pas tolérer un tel déshonneur.

« Nous, à la Gendarmerie, nous sommes unanimes pour dire que l’audio parle de la lutte contre le terrorisme. En tant qu’institution en première ligne dans cette lutte, nous ne pouvons pas concevoir ce déshonneur. (…) Nous sommes en train de consulter nos hommes pour qu’ils continuent à s’engager comme le souhaite le Chef de l’État. (…) Notre souhait est que Monsieur Sinon subisse toute la rigueur de la loi s’il est reconnu coupable », s’est-il exprimé.

Le parquet dans son réquisitoire a requis contre Mohammed Sinon, une peine d’emprisonnement de 30 mois avec une amende de 500 000 FCFA, le tout ferme. « Il est très regrettable de dire aujourd’hui à un gendarme qu’il ne participe pas à 100% à la lutte contre le terrorisme, et c’est la diffamation ! », a conclu le ministère public.

Il faut noter que Mohammed Sinon purge déjà avec sursis, une peine de 24 mois de prison avec une amende de 500 000 FCFA depuis le 10 février 2023, après avoir été reconnu coupable de menaces sous condition, mise en danger de la vie d’autrui et intolérance envers Newton Ahmed Barry et Alpha Barry.

Josué Tiendrebeogo

Faso7

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