Journée mondiale des donneurs de sang : Les donneurs burkinabè honorés à Kaya le 17 juin prochain


Dr Alice Kiba Koumaré, Directrice Générale du Centre National de Transfusion Sanguine (CNTS), s’est entretenue avec des journalistes le 13 juin 2023, pour annoncer les couleurs et les objectifs de la Journée mondiale des donneurs de sang (JMDS) 2023. Cette journée sera commémorée en différé par le Burkina Faso, le 17 juin 2023 à Kaya, dans la région du Centre-nord. Elle en a profité pour évoquer d’autres questions liées à la problématique de la transfusion sanguine au Burkina Faso.
Question : Y a-t-il une relation entre les attaques terroristes et la production des produits sanguins ?
Dr Alice Kiba Koumaré : Avant tout propos, je profite du micro de tout un chacun pour dire merci aux amis de la presse, merci pour tout l’accompagnement que vous faites pour le Centre national de transfusion sanguine afin de mobiliser suffisamment de donneurs pour soigner les malades qui sont dans les hôpitaux. Pour répondre à votre question, bien sûr qu’il y a une relation entre les attaques terroristes et les collectes de sang, parce que quand il y a les attaques terroristes, il faut que le Centre national de transfusion sanguine se réorganise pour répondre aux besoins de la prise en charge des blessés par balles. Donc, en ce sens, il y a une relation entre les attaques terroristes et la disponibilité en produits sanguins.
Question : Quelles difficultés rencontrez-vous dans la collecte dans les localités touchées par des attaques terroristes ?
Dr Alice Kiba Koumaré : La principale difficulté que nous rencontrons dans ces zones, c’est essentiellement des capacités de collecte. Parce que dans ces zones, les collectes sont focalisées au niveau des grandes villes. En dehors de cela, il y a la réduction du rendement des collectes. Parce que dans ces zones, les habitants sont préoccupés par d’autres choses que le don de sang. Donc, c’est le lieu pour moi de vraiment faire un appel à l’ensemble de la population de ces zones à fort défi sécuritaire, pour qu’ils se mobilisent pour aller dans nos sites fixes pour donner le sang.
En rappel, sur toute l’étendue du territoire, nous avons 10 sites fixes de prélèvement qui se situent dans 10 régions des 13 que compte notre pays. Donc vraiment, mobilisons-nous massivement pour aller donner le sang dans ces zones. Pour la zone de Ouaga, nous avons deux sites fixes de prélèvement, qui se trouvent à Paspanga et à Tengandogo.



Question : Comment gérez-vous ces difficultés ?
Dr Alice Kiba Koumaré : Pour pouvoir gérer ces difficultés, nous communiquons massivement. Vous voyez que nous avons plusieurs plateformes, page Facebook, nous avons aussi le site web du CNTS et grâce à l’accompagnement aussi de la presse, nous arrivons à communiquer. Nous faisons aussi des appels téléphoniques aux donneurs, parce que nous les appelons régulièrement pour tous ceux qui sont arrivés à leur échéance pour donner, nous appelons pour qu’ils viennent donner le sang. Aussi, quand il y a une attaque dans une zone et qu’il n’y a pas suffisamment de produits sanguins dans la zone en question, nous procédons a des redéploiement de nos stocks de PSL entre les structures opérationnelles pour la prise en charge des blessés.
« Pendant cette période, la demande en produits sanguins augmente en raison du paludisme qui sévit dans nos hôpitaux »
Question : Nous sommes en juin, la période de soudure commence aussi chez vous. Comment expliquez-vous les difficultés pendant cette période ?
Dr Alice Kiba Koumaré : La difficulté pendant cette période s’explique par deux phénomènes. Pendant la période d’hivernage, il y a la baisse des collectes, parce que les meilleurs donneurs de sang, que sont les élèves et les étudiants, sont en vacances. Mais aussi, il y a les travaux champêtres dans les zones les plus reculées, où les gens sont occupés à cultiver leurs terres. Donc, la première raison est la baisse des collectes liée à l’absence des élèves et des étudiants.
Le deuxième aspect qui justifie les difficultés à rendre disponibles les produits sanguins est l’augmentation de la demande. Pendant cette période, la demande en produits sanguins augmente en raison du paludisme qui sévit dans nos hôpitaux. Mais il y a aussi d’autres pathologies qui nécessitent l’utilisation de produits sanguins, comme les hémorragies lors des accouchements. Le paludisme n’exclut pas les hémorragies de la délivrance. De plus, il y a la prise en charge des patients atteints d’insuffisance rénale chronique nécessitant la dialyse, qui requiert également des produits sanguins. Et enfin, la prise en charge des différentes pathologies telles que le cancer, qui nécessite également l’utilisation de produits sanguins. Ainsi, toutes ces raisons contribuent à ce que nous appelons une période difficile, car c’est une période compliquée.
Selon nos chiffres, nous remarquons que pendant cette période, lors de nos collectes auprès des étudiants, une seule collecte peut nous permettre d’obtenir plus de 100 poches, tandis que pendant la période où les élèves et les étudiants ne sont pas là, nous avons du mal à obtenir même 50 poches par sortie. Vous pouvez donc constater que la difficulté se fait sentir en termes de collectes.
Question : Quels sont vos besoins pendant cette période ?
Dr Alice Kiba Koumaré : Pendant la période dite difficile, les besoins sont estimés à 700 poches par jour pour l’ensemble des centres de transfusion sanguine, dont 400 à 500 poches pour la seule zone de Ouagadougou. Vous pouvez voir que les besoins sont assez importants.



Question : Quel est le besoin annuel du pays en produits sanguins et combien en collectez-vous réellement ?
Dr Alice Kiba Koumaré : Selon les estimations et les recommandations de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), pour qu’une population soit autosuffisante en produits sanguins, il faudrait que 1 à 3 % de cette population soit donneur de sang. Prenons donc l’exemple de notre pays. Pour être autosuffisants en produits sanguins en 2023, nous devons collecter environ 229 000 poches de sang. Cependant, les collectes sont directement liées aux ressources que nous recevons.
Donc, sur les poches de sang que nous devons collecter pour être autosuffisants, le budget nous permet seulement de collecter 125 000 poches de sang pour cette année.
« Quels que soient les efforts que vous faites aujourd’hui pour avoir suffisamment de produits sanguins, au bout de 42 jours maximum, ces produits sont périmés »
Question : Certains citoyens ont la volonté de donner de leur sang, mais les sites de collecte ne sont pas légion. Quelles solutions proposez-vous ?
Dr Alice Kiba Koumaré : C’est vrai que nous avons régulièrement ces plaintes. C’est la raison pour laquelle nous nous sommes battus pour essayer de mettre des sites avancés de collecte. Ça veut dire que nous essayons de quadriller toute la ville de Ouagadougou, parce que c’est Ouagadougou qui est la ville la plus étalée. Le plaidoyer a été fait auprès d’un certain nombre de partenaires qui ont accepté de nous accompagner. Donc, nous sommes en train d’identifier les sites pour essayer de mettre en place ces sites fixes, essentiellement dans certains centres médicaux de la ville de Ouagadougou.
Question : La cérémonie officielle de la Journée mondiale des donneurs de sang (JMDS) 2023 se déroule à Kaya sous le thème : « Sang, plasma : partageons la vie, donnons souvent ! ». Pourquoi un tel thème ?
Dr Alice Kiba Koumaré : Le thème met en exergue la nécessité de donner le sang et le plasma. Parce que souvent, les gens ont l’impression que c’est seulement les globule rouge, le liquide rouge, qui est le plus utile, alors que le plasma aussi, en cas d’hémorragie et en cas de déficit de facteurs de coagulation, est souvent utilisé. Donc, le thème met en exergue l’importance du don de sang et l’importance aussi du don de plasma. Alors, l’autre chose que le thème met en exergue, c’est le fait de donner régulièrement. Parce que le sang a une durée de vie.
Quels que soient les efforts que vous faites aujourd’hui pour avoir suffisamment de produits sanguins, au bout de 42 jours maximum, ces produits sont périmés. Donc, vous voyez que même si on collecte suffisamment aujourd’hui, il faut qu’en 42 jours, nous ayons encore un stock qui soit renouvelé. Donc, le thème met en exergue le fait de donner régulièrement pour créer un stock sur et durable en sang et en produits sanguins labiles qui puissent être toujours disponibles pour sauver des vies dans les hôpitaux.



Question : Qu’est-ce qui est prévu pour ces manifestations ?
Dr Alice Kiba Koumaré : Pour commémorer la Journée mondiale du donneur de sang qui se célèbre tous les 14 juin, ce qui est au programme, c’est qu’il y aura la diffusion du message du ministre de la Santé à l’endroit des valeureux donneurs de sang le 14 juin dans la presse, pour marquer l’évènement même. Pour le Burkina Faso, les autorités ont décidé de célébrer officiellement cette journée le 17 juin, et ça sera à Kaya.
Pour cette journée, la veille, c’est-à-dire le 16 juin dans l’après-midi, il y aura un cross populaire suivi d’aérobic, et ceci pour inviter les donneurs à faire du sport, parce que tous ceux qui font du sport sont en bonne santé, et quand on est donneur de sang, il faut maintenir sa santé pour pouvoir donner régulièrement son sang. Et le jour J, le 17, la cérémonie commencera à 10h et sera placée sous le très haut patronage de Son Excellence Monsieur le Premier ministre, la Présidence du ministre de la Santé et de l’Hygiène publique, et le parrainage de Madame le ministre de l’Action humanitaire.
Cette cérémonie sera principalement marquée par les discours des officiels pour témoigner des différentes avancées en matière de transfusion sanguine. Il y aura également la décoration de 8 donneurs de sang réguliers et des partenaires au don de sang.
L’année dernière, nous avions promis de trouver des moyens d’accompagner les donneurs afin qu’ils préservent leur santé pour pouvoir nous accompagner davantage, et cette année, la cérémonie sera l’occasion de lancer officiellement la vaccination des donneurs réguliers de sang contre l’hépatite B, qui a une forte prévalence dans notre pays.
« Les rejets de poches sont principalement liés aux hépatites »
Question : Quelles sont les perspectives pour l’année prochaine ?
Dr Alice Kiba Koumaré : Les perspectives consistent essentiellement à maintenir et consolider les acquis en terme de disponibilité en produits sanguins labiles, les activités que nous avons en matière de dons de sang, c’est-à-dire en maintenant, voire en augmentant le nombre de poches que nous collectons chaque année pour les mettre à la disposition des malades dans les hôpitaux. Une autre perspective que nous avons est d’interconnecter l’ensemble de nos sites, car actuellement tous nos sites ne sont pas interconnectés.
Cela crée parfois quelques petits problèmes, car nous avons des difficultés à comptabiliser l’ensemble des dons qui ne sont pas effectués sur un même site.
Question : Au Burkina Faso, constatez-vous une augmentation du taux de dons de sang ?
Dr Alice Kiba Koumaré : Disons que c’est quasi stationnaire, car je vous ai dit que selon les chiffres de l’OMS, si 1 à 3 % de la population donne, nous pouvons être autosuffisants en produits sanguins. Depuis 3 ans, nous sommes à environ 0,50 % de donneurs. Donc, on peut dire que ça évolue, mais très lentement.



Question : Pouvez-vous nous donner des tranches d’âge des meilleurs donneurs de sang ?
Dr Alice Kiba Koumaré : Les tranches d’âge des donneurs qui donnent régulièrement sont principalement de 18 à 35 ans. Les autres donnent également, mais vous savez qu’avec l’âge, il peut y avoir quelques problèmes de santé.
Question : Vous avez souvent rejeter des poches de sang pour des raisons de maladies contagieuses. Quelle est la maladie qui peut conduire au rejet d’une poche de sang ?
Dr Alice Kiba Koumaré : Les rejets de poches sont principalement liés aux hépatites, car la prévalence de ces maladies est très élevée dans notre pays. Lorsque je parle d’hépatites, je fais référence à l’hépatite B et à l’hépatite C. Selon nos statistiques, le taux de rejet lié à ces pathologies atteint environ 12 %. Cela signifie que sur 100 poches collectées, environ 12 seront rejetées en raison de la présence de ces marqueurs. En dehors de ces hépatites, il y a également le VIH et la syphilis, mais la présence de ces marqueurs est généralement de l’ordre de 1 % et 0,5 %.
Notre problème fondamental concerne donc les hépatites. À cet égard, nous saluons l’initiative prise par le ministère de la Santé de rendre le traitement contre l’hépatite C gratuit. Une note a été adoptée par les plus hautes autorités du ministère de la Santé pour rendre ce traitement accessible à tous. De plus, nous proposons également la vaccination contre l’hépatite B afin de préserver la santé de nos donneurs de sang à long terme.
Il convient également de saluer le fait que depuis plus d’une décennie, le ministère de la Santé a intégré la vaccination contre l’hépatite B dans le Programme élargi de vaccination (PEV). Cela signifie que tous les enfants nés et régulièrement vaccinés devraient normalement être vaccinés contre l’hépatite B.
« Grâce à leur action, ils contribuent à l’effort de paix »
Question : On dit que le sang est gratuit, est-ce toujours le cas ?
Dr Alice Kiba Koumaré : Le sang est totalement gratuit, et nous ne cesserons de le souligner. Le sang est gratuit aussi bien dans les établissements de santé publics que privés.



Question : Quel message souhaitez-vous transmettre pour conclure ?
Dr Alice Kiba Koumaré : En cette période de célébration de la Journée mondiale du donneur de sang, je tiens tout d’abord à remercier chaleureusement l’ensemble de la presse ainsi que nos précieux donneurs de sang. Grâce à leur action, ils contribuent à l’effort de paix, car en rendant les produits sanguins disponibles grâce à leurs dons réguliers, ils permettent au Centre national de transfusion sanguine de fournir en temps réel les produits sanguins nécessaires à la prise en charge des blessés par balles. J’invite également la population, pendant la période de juin à octobre, qui est considérée comme difficile en termes de disponibilité des produits sanguins, à se rendre massivement dans les centres de collecte fixes.
Nous avons des sites de prélèvement à Ouagadougou, Bobo, Koudougou, Fada, Ouahigouya, Kaya, Dédougou, Gaoua, Dori et Tenkodogo. Rendez-vous massivement dans les centres régionaux de transfusion sanguine pour faire un don de sang, et n’oubliez pas de renouveler votre don tous les trois ou quatre mois, car le sang est une denrée périssable. En vous mobilisant dès maintenant, nous pourrons disposer d’un stock suffisant dans les 40 jours, assurant ainsi la disponibilité des produits sanguins pour la prise en charge des malades.
Faso7