« Pardon ! Je ne le ferai plus », les dernières paroles de Dabo Boukary avant sa mort au Conseil de l’Entente

À la reprise du procès dans la matinée de ce mardi 20 septembre 2022, peu avant 10 heures, le juge a appelé à la barre, les témoins pour leurs dépositions.

À la barre, maître Halidou Ouédraogo, président du Mouvement burkinabè des droits de l’Homme et des peuples (MBDHP) au moment des faits s’est exprimé non seulement sur ce qu’il a en lien avec les faits au moment des manifestations des étudiants jusqu’à la recherche de Dabo Boukary et les actions judiciaires entreprises après le décès de l’étudiant.

Appelé également à être entendu en tant que témoin, l’actuel ministre en charge de la sécurité, le colonel-major Omer Bationo, dit ne rien savoir en lien avec le dossier Dabo Boukary. « Je n’ai pas grand-chose à dire sur cette affaire parce que, tout simplement, je n’étais pas là. (…) J’étais absent au moment des faits », s’est-il exprimé. À l’en croire, il était hors du territoire burkinabè au moment des faits. Cette déclaration a cependant été contredite par d’autres témoins qui disent l’avoir aperçu au Conseil de l’entente, lieu où Dabo Boukary a perdu la vie.

Interrogé en tant que témoin oculaire, Aboubacar Coulibaly, étudiant à l’Université de Ouagadougou au moment des faits, dit avoir été arrêté, détenu et avoir subi des sévices au sein du Conseil de l’entente avec d’autres étudiants dont Dabo Boukary.

« Quand on me bastonnait, on arrosait Dabo Boukary et quand on arrosait Dabo Boukary, on me bastonnait », confie-t-il au juge.

À en croire Aboubacar Coulibaly, après les bastonnades subis, Dabo Boukary et lui ont été conduits dans une « salle attenante » à la permanence du Conseil de l’entente où ils ont retrouvé trois autres étudiants dont Sansan Jean-Yves Kambou et Nigbé Somé.

Prenant la parole, Sansan Jean-Yves Kambou a précisé au tribunal que c’était dans une douche dans laquelle il y avait une fuite d’eau, qu’ils ont été détenus, lui et ses camarades étudiants, dont Dabo Boukary. Selon le témoin, leurs geôliers, notamment des militaires du Conseil de l’entente, dont Somé Gaspard, avaient déposé « un papier A4 » en intimant à chacun des étudiants d’y inscrire son nom.

Selon le témoin, affaibli par les coups qu’il a reçus, Dabo Boukary n’a pas réussi à inscrire son nom sur la feuille. Et en rejoignant sa cellule, c’est-à-dire les toilettes où étaient détenus ses camardes, il s’est mis à vomir du sang. « Quand on nous a fait rentrer dans les toilettes, Dabo ne tenait plus sur ses jambes. En partant, il a vomi du sang et des grains de riz. Et quand ils nous ont poussés dans la maison, Dabo est tombé juste devant la porte et ils ont refermé », a laissé entendre Sansan Jean-Yves Kambou, dans une salle d’audience majoritairement remplie d’étudiants, militants de l’Union générale des étudiants burkinabè.

Devant le juge, les trois anciens détenus disent unanimement que c’est après leur retour dans la douche où ils étaient détenus, que l’étudiant en 7e année de médecine, Dabo Boukary, a rendu l’âme.

« Dabo a émis un cri. C’était son dernier cri. Il a dit, ‘’Pardon ! Je ne le ferai plus’’. Et c’était le silence total », a également confié Sansan Jean-Yves Kambou.

Avant de terminer sa déposition, Sansan Jean-Yves Kambou a indiqué qu’après le Dabo Boukary, 3 des étudiants vivants dont lui-même ont été amenés à l’Escadron motocycliste (EMC) de Pô et ils ne sont revenus à Ouagadougou qu’en fin décembre 1990. De retour à Ouagadougou, selon lui, ils ont ont été reçus par le Gilbert Diendéré, capitaine au moment des faits, par ailleurs Chef de corps du centre national d’entraînement commando de Pô (CNEC).

« Gilbert Diendéré nous a dit que nous sommes libres à condition qu’on la ferme et que le Burkina est petit. Il pourrait nous retrouver », a-t-il confié au juge.

Il faut noter que lors de l’audition des témoins, le procès-verbal d’audition de feu Salifou Diallo, directeur de cabinet de Blaise Compaoré au moment des faits, a été lu.

« J’étais au Mali quand le président du Faso m’a appelé dans la nuit pour m’informer que les éléments du conseil de l’Entente ont manœuvré un étudiant et qu’il est décédé. (…) Je n’ai jamais donné d’ordre à qui que ce soit », peut-on retenir de ce procès-verbal d’audition effectué avant le décès du témoin.

Débutées dans la matinée, les auditions des témoins se sont poursuivies jusqu’à la suspension de l’audience à minuit. Elles reprendront ce mercredi 21 septembre avec l’audition de deux autres témoins.

Lire ➡️ Dossier Dabo Boukary : Le jugement 32 ans après les faits

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