Peggy Ouédraogo : « A un moment donné, il faut savoir arrêter de jouer les équilibristes et s’assumer »


C’est la même Peggy Ouédraogo au large sourire contagieux qui a été reçue par Faso7, le mardi 16 juin 2020. Dans cet entretien, elle parle sans langue de bois. De la RTB, « la maison mère », à qui elle voue un amour et un respect qui transparaissent dans ses propos. Un amour qui ne l’empêche pas de voir ce qui ne va pas et de proposer des solutions. Elle parle des raisons qui l’ont poussée à voler hors du nid. Elle parle du journalisme, de ses travers et de ses espoirs. Peggy parle, à cœur ouvert. Lisez donc ! Après l’obtention de son diplôme de journalisme au prestigieux Centre d’études des sciences et techniques de l’information (CESTI) à Dakar au Sénégal, Peggy a d’abord travaillé dans plusieurs médias au Sénégal et en France avant d’arriver à la RTB. Peggy est également diplômée d’un master en communication.
Faso7 : Comment se porte Peggy Ouédraogo ?
Peggy Ouédraogo (Peggy. O) : Comme vous pouvez le constater, je me porte bien. Je vais très bien par la grâce de Dieu !



Faso7 (F7) : Est-ce que vous pouvez revenir sur les raisons qui vous ont motivée à quitter la RTB ?
Peggy. O : C’est vrai que depuis le mois de janvier, je ne figurais plus sur les écrans de la RTB. J’ai dû faire un post sur ma page Facebook pour expliquer aux gens qui ne me voyaient plus à l’antenne. Mes raisons, c’est comme je l’ai expliqué dans mon post. Je suis partie pour m’essayer à autre chose. C’est vrai que ma décision a déçu beaucoup de personnes, même dans ma famille.
Cependant, je crois que ceux qui me connaissent, comprennent mon choix et l’acceptent surtout. Même certaines personnes qui me suivent, qui ont accepté, m’ont adressée des messages. C’est un choix qui a été mûri et réfléchi. Je suis vraiment navrée. Je savais que ça allait décevoir mais comme on le dit, c’est la vie.
Faso7 : Est-ce que votre départ est lié au rappel de près de 370 agents par le ministère de la communication ?
Peggy. O : Non pas du tout parce que mon départ est antérieur à cette mesure. Ce que je n’ai pas dit, c’est que c’est depuis janvier que j’ai pris ma disponibilité, même si ce n’est que quelques semaines plus tard que je l’ai annoncée. Je n’ai nullement été concernée par la mesure qui a été prise pour « régulariser la situation des travailleurs ». Je m’en tiens à la version officielle.
Faso7 : Dans un post publié sur votre page Facebook vous dites, « il est inutile d’attendre que les choses aillent mal pour changer dit-on, je fais mienne cette assertion à présent ». Est-ce une manière de dire que vous avez vu venir un danger ?
Peggy. O : C’est vrai que la situation dans les médias publics n’a pas été un long fleuve tranquille ces derniers temps. Il y a eu beaucoup de revendications qui ont duré presque une année et qui ont continué avec le tollé provoqué par les affectations.
Mais je fais partie des personnes qui pensent qu’il ne faut pas attendre qu’on te dise que tu n’es pas bien pour partir. Je me dis que quand on n’est pas à l’aise, quand on ne se sent plus à l’aise, quand on n’aime plus ce qu’on fait, il ne faut pas se mentir à soi-même. Il ne faut pas attendre que les choses s’empirent et se rendre compte que j’aurais dû partir.
« Quand on est quelque part où il n’y a plus de challenge, on se ment à soi-même »
Je me dis que je suis encore jeune professionnellement. J’ai beaucoup à donner. J’ai envie à ce moment donné de ma vie, de faire autre chose. La nouvelle n’a pas surpris certaines personnes qui me connaissent très bien parce que quand je rentrais dans le média, je m’étais donné 10 ans. Je me suis dit, fais 10 ans parce que j’aime ça et j’évolue.
L’évolution ce n’est pas forcement aller chercher de l’argent. C’est faire quelque chose de plus. Professionnellement, c’est faire quelque chose de plus. Apporter du challenge. Je suis à la recherche perpétuelle d’un challenge. Quand on est quelque part où il n’y a plus de challenge, on se ment à soi-même.
Faso7 : Peggy restera-t-elle en contact avec le journalisme ?
Peggy. O : J’ai eu mon diplôme de journalisme au CESTI (Centre d’études des sciences et techniques de l’information) à Dakar. C’est un Institut assez connu. C’est un diplôme à vie. Il n’a pas de date de péremption. Je suis journaliste dans l’âme. Je suis journaliste dans tout ce que je fais.
J’analyse comme une journaliste. Même quand on va à la retraite, on reste journaliste. Je travaille toujours dans le journalisme même si je ne suis pas à la RTB. J’avais d’autres projets qui sont maintenant en marche. Ce n’est pas le lieu de les exposer. Ça viendra.
Je travaille aussi en tant que communicatrice parce qu’après mon diplôme de journalisme, je suis allée faire un master en communication. J’ai cette double casquette. J’offre également à ce moment, des coachings personnalisés en média training et en communication également. Je ne chôme pas. C’est vrai que je ne suis pas dans un média en tant que salariée, mais je travaille avec des médias. Je travaille également en communication.
Faso7 : Y a-t-il espoir de revoir Peggy sur les plateaux de la RTB ?
Peggy. O : Ce n’est pas impossible parce que j’ai juste pris une disponibilité. Je ne suis pas partie définitivement. Je ne tourne pas le dos à la maison qui m’a vue naître et qui m’a fait grandir. C’est juste une disponibilité que j’ai prise pour m’essayer à autre chose. Ce n’est pas impossible que je revienne. Aujourd’hui ça me fait sourire quand je rencontre des personnes si gentilles qui me disent « Madame vous nous avez abandonnés ». Au départ, je me posais souvent la question à savoir où est-ce qu’on se connaissait. Je n’avais pas encore capté en fait qu’on parlait de mon départ de la RTB.
« J’ai refusé de faire le 20h quand on m’avait demandé de le faire »
Franchement, ça me fait plaisir parce que je me rends compte qu’on me suivait, qu’on appréciait positivement ce que je faisais. Et c’est vraiment une très grande satisfaction. Ça me fait plaisir aujourd’hui lorsqu’on me dit que « j’aimais bien votre présentation et que je suivais la télé à cause de vous ». Je me dis que je n’ai pas « tapé poteau » comme on dit quoi (rire).
Faso7 : Est-ce que Peggy se reconnait dans les revendications du SYNATIC ?
Peggy. O : Oui parfaitement. J’ai même lutté un moment donné dans le syndicat parce que je trouvais que ses revendications étaient non seulement légitimes, mais qu’il fallait en tenir compte surtout. On ne mettait pas à l’avant l’humain mais plutôt notre outil de travail, c’est-à-dire la télévision qui se trouve aujourd’hui un peu noyé dans ce flot et qui est un peu à la traîne malheureusement.
En tant que travailleur de ce média public, on se sent gêné quand même parce que ce n’est pas de la fausse modestie de dire qu’une télévision publique, c’est la maison mère. C’est donc inadmissible qu’on soit à la traîne en matière de matériel, en matière de compétences, de ressources humaines. Ce sont des revendications légitimes auxquelles j’ai participé.



C’est vrai qu’à un moment donné, je me suis un peu décrochée de tout ça mais à la première vague, j’ai refusé de faire le journal. J’ai refusé de faire le 20h quand on m’avait demandé de le faire. J’ai soutenu cette lutte-là à ma manière parce que je me dis que si on parvient à avoir gain de cause, c’est toute la maison qui va gagner. C’est tous ceux qui viendront, les petits frères qui viendront travailler qui vont gagner.
A un moment donné, il faut savoir arrêter de jouer les équilibristes et s’affirmer, et s’assumer. C’est vrai qu’il y a des dérives et des excès dans toute lutte. J’ai déploré aussi à un moment donné, certains excès qu’il y a eus.
A un moment donné, lorsque l’autorité vous écoute, lorsque l’autorité vous montre patte blanche, je pense qu’il faut mettre de l’eau dans son vin. Parce que le bras de fer du SYNATIC, ce n’est pas la même chose que le bras de fer du MINEFID. Ce ne sont pas les mêmes enjeux, donc il faut savoir raison garder un certain moment.
Mais je trouve qu’il ne faut pas jeter l’anathème sur les revendications qui ont été faites parce qu’elles sont légitimes.
Faso7 : La RTB n’est plus à la tête des télévisions les plus suivies au Burkina Faso. Qu’est-ce que ça vous fait d’apprendre ça ?
Peggy O. : C’est vrai que ça fait objet de débat, mais je pense que ce n’est pas un débat qui tient. Un sondage reste un sondage. Aujourd’hui, il y a des chaines qui, grâce à la TNT, arrivent à émettre un peu partout au Burkina Faso. Est-ce que le sondage a touché tous les ménages à l’intérieur du Burkina Faso ou bien c’est juste la ville de Ouagadougou ? Ce n’est pas pour dire que les autres chaines ne font pas du bon travail, mais je reste un peu dubitative sur ce sondage.
« La RTB doit faire ce que les économistes appellent du Benchmarketing»
Ce n’est pas parce que j’appartiens à la maison mère et que j’essaie de la défendre. C’est aussi à juste titre que je vais toujours défendre la RTB mais je pense qu’il faut prendre les résultats de ce sondage avec des pincettes car on ne sait pas quels ont été les critères qui ont emmené à ce résultat-là.
Qu’à cela ne tienne, la RTB doit tenir compte de ces résultats pour avancer. Les revendications du SYNATIC font cas de ça. Ce n’est pas un secret. La RTB doit faire ce que les économistes appellent du « Benchmarketing ». C’est une analyse comparative simple de la concurrence dans le but de mieux faire. C’est aussi bon de se remettre en cause, d’observer l’atmosphère dans lequel on est, l’univers médiatique évolue très rapidement.
Aujourd’hui, vous me filmez avec juste un téléphone portable et un trépied et ça peut passer sur toutes les chaines. Exit nos grosses caméras avec de longs fils et tout l’équipement qui impressionnaient. C’était cela aussi la télé. Il faut qu’on arrive à s’adapter, au niveau de la RTB, à ces mouvements-là et travailler à l’interne de manière à alléger certaines choses qui peuvent alourdir la gestion de cette chaîne publique.
Mais je pense qu’il ne faut pas chercher à comparer tout le temps la RTB aux autres chaines privées. Je pense que les chaines privées se comparent entre elles. J’ai reçu un jour sur mon plateau une personnalité qui est aujourd’hui dans le gouvernement qui était promoteur d’une chaîne privée. Je lui ai demandé « est-ce que vous venez pour concurrencer la RTB ? ». La personne m’a dit «on ne peut pas concurrencer la maison mère ». C’est clair. C’est mot pour mot. Ce sont des archives qui sont là.
Je crois qu’au niveau de la RTB, il faut toujours travailler comme cette chaîne publique en qui on a confiance, mais aussi tirer profit de ce que les chaines privées nous envoient un peu comme punshlines.
« La RTB, c’est la télévision et la radio de tous les Burkinabè. Tous les Burkinabè devraient s’y reconnaître. Mais si à un moment donné, il y a certains Burkinabè qui ne se reconnaissent pas, c’est qu’il y a un problème »
Pour moi, il n’y a pas de comparaison à faire. Au contraire, on s’entraide. Par exemple, quand j’étais rédacteur en chef à la RTB, il m’est arrivé plusieurs fois, quand on a raté des reportages, d’appeler des chaines privées de nous envoyer des images. Si on était en concurrence, ils n’allaient pas le faire. Il faut que nous les médias cultivons cette solidarité-là. (…)
Pour moi? la RTB doit faire beaucoup d’efforts pour travailler afin de s’adapter à l’évolution actuelle du monde des médias, surtout dans l’audiovisuel.
Faso7 : Que répondez-vous aux gens qui estiment que la RTB est à la solde du gouvernement ?
Peggy O. : Je vais répondre court. Les personnes qui travaillent au sein de la RTB ne sont pas forcément des partisans du parti au pouvoir. Je répondrai également qu’on est un média public et pas un média d’Etat. C’est le service public. On se doit de donner la parole à tout le monde.
C’est la télé qui appartient à tout le monde. C’est comme le slogan du quotidien Sidwaya « C’est le quotidien de tous les Burkinabè ». La RTB, c’est la télévision et la radio de tous les Burkinabè. Tous les Burkinabè devraient s’y reconnaître. Mais si à un moment donné, il y a certains Burkinabè qui ne se reconnaissent pas, c’est qu’il y a un problème.
« Sous la transition, c’est l’année de gloire de la RTB »



Mais comme je vous l’ai dit au départ, ce sont des humains qui travaillent à la RTB avec des sensibilités différentes, avec des croyances différentes. J’y ai passé 12 ans. J’ai fait des allers-retours en tant que stagiaire et en tant que pigiste avant d’être engagée en 2009.
Je trouve quand même qu’on a une certaine liberté d’expression au sein de la RTB. Je le dis sans cacher que ce sont les personnes qui s’autocensurent. C’est vrai que, peut-être en ce moment, je n’étais pas dans les secrets de la RTB. J’étais reporter, j’étais présentatrice mais je crois qu’on a une certaine liberté d’expression qui a grandi avec le temps et après l’insurrection encore plus.
Sous la transition, c’est l’année de gloire de la RTB. J’étais rédacteur en chef adjoint. Plusieurs fois, on nous a appelés pour nous dire que « ça fait 10 ans que je ne suis pas la RTB, mais aujourd’hui je suis la RTB ». On a renoué avec ce qu’on appelle le journalisme. Ce n’est pas pour dire que ce que les devanciers ont fait n’était pas du journalisme, mais si à un moment donné, une partie des Burkinabè ne se reconnaissent pas, c’est qu’il y a un problème à l’interne qu’il faut gérer.
Malheureusement, il y aura toujours cette impression que la RTB est à la solde du parti au pouvoir. C’est de bonne guerre parce que le média public aussi, c’est la voix du gouvernement.
« On ne peut pas demander à la RTB de faire comme le privé. Le privé aussi a ses intérêts »
Le gouvernement ne peut pas aller aussi payer tout le temps pour parler dans le privé pendant qu’il y a un canal qui est là et qu’il finance. C’est la voix du gouvernement, mais ce n’est pas tout ce que le gouvernement veut ou tout ce que le parti au pouvoir veut qui se fait.
Dire ça aujourd’hui, c’est être malhonnête parce que je trouve que tout le monde a son mot à dire sur la RTB. Si vous observez dans la sous-région, en termes de liberté d’expression, la RTB n’est pas en dernière position. Quand vous allez aux UACO (Universités africaines de la communication de Ouagadougou) par exemple, il y a des confrères qui viennent des autres pays qui vous disent « Vous laissez passer ça comme ça ? Vous osez couper le président du Faso ! ».
On ne peut pas demander à la RTB de faire comme le privé. Le privé aussi a ses intérêts. Pourquoi on ne critique pas un privé qui va donner plusieurs pages de son journal à un opérateur économique qui est l’ami du promoteur du média ?
Faso7 : Qu’est-ce qui fait la particularité de la RTB ?
Peggy O. : On n’est pas dans la réaction. Il faut se dire en tant que média public, on se doit de donner une information vraie pour ne pas revenir dire demain que c’était faux. Plusieurs chaines privées le font. Si la RTB se permet de faire une seule fois, on ne sera plus crédible. Il faut attendre la voix officielle quand bien même on a des informations avant tout le monde, pour ne pas induire le public dans l’erreur.
N’oubliez pas que ce ne sont pas seulement les gens de Ouaga seulement qui regardent la RTB. On a des parents dans les régions qui sont inquiets. Vous donnez des informations, on dit que c’est la RTB qui a dit et demain vous venez dire que ce n’est pas vrai. C’est ce qui explique aussi le long temps mis pour informer en cas de gravité extrême, mais c’est nécessaire.
Faso7 : Quel avenir pour les médias face aux activistes ?
Peggy O. : Combien de personnes sont sur Facebook par rapport aux plus de 16 millions de Burkinabè ? Les activistes vont leur job. Ils ont des infos qu’ils peuvent publier. C’est facile pour un activiste de dire, « je m’étais trompé ». Les activistes font leur travail. Ils prennent des risques aussi. Ils prennent sur eux et ils balancent des informations. Il y a ce besoin que l’homme a d’avoir l’information en temps réel. Il y a aussi le besoin d’avoir une information analysée, traitée et rassurée.
L’éthique du journalisme ne consiste pas seulement à dire quelque chose et balancer. On nous apprend à l’école qu’il y a des informations qu’on va garder, qu’on ne va pas balancer parce que ça peut créer d’autres problèmes. Ce n’est pas tout qu’on dit. C’est l’éthique. C’est la déontologie.
Je n’ai pas fait l’école d’activisme. Je ne sais pas s’il y a une éthique et une déontologie mais je l’espère. Moi, j’ai fait du journalisme et ce qu’on m’a appris, ce sont les codes. Et pour le moment, ça n’a pas encore changé. Le jour que ça changera, on va aussi s’adapter. On est dans un monde qui évolue.
Nous, en tant que journalistes, on doit faire attention à ce qu’on dit parce qu’on est crédible, parce qu’on est suivi et on est aussi cette voix qui doit, derrière l’information, apporter du réconfort, rassurer également. Il y a des fondamentaux, il y a des bases qu’il ne faut pas trahir. Il ne faut pas publier parce qu’on veut avoir la primeur de l’information, on veut être les premiers à donner l’info…
Si on a fait vraiment l’école de journalisme et qu’on a appris, je pense qu’il y a beaucoup de choses dont il faut mûrir la réflexion avant de balancer. Quand moi je suis dans un média, je ne suis pas forcement à la recherche de scoop. C’est derrière le scoop. Ce que vous pouvez reprocher à certains journalistes, c’est de ne pas oser l’analyse. Si vous n’avez pas donné le scoop, apportez une plus-value. Quand vous donnez l’information qui est déjà passée, il faut une plus-value.
S’il y a eu un problème et que vous n’avez pas eu la primeur de l’info, l’info est venue après, il faut la traiter. Ce ne sont pas des communiqués laconiques qu’il faut lire et puis c’est fini. Il faut apporter ce réconfort-là aux populations. C’est arrivé comment ? Pourquoi ? Quand ? C’est ce plus qu’il faut apporter derrière l’information à chaud qui a été donnée.
Faso7 : Quelles sont vos plus beaux souvenirs à la RTB ?
Peggy O. : Je n’ai pas trop de mauvais souvenirs. C’est le média dans lequel j’ai le plus duré. J’ai travaillé dans d’autres médias avant de venir à la RTB notamment en France et au Sénégal, où j’ai fait mes études. Je trouve qu’à la RTB, j’ai vu une autre dimension du journalisme qui m’a vraiment prise aux tripes.
J’ai aimé la solidarité, j’ai aimé le partage. J’ai aimé l’échange intergénérationnel parce que j’ai eu la chance de côtoyer des grands tel que Godefroy Bazié que j’ai tout de suite admiré quand je suis arrivé à la RTB et que je suivais lorsque j’étais toute petite.



J’ai eu la chance de travailler avec Adjima David Thombiano, avec Pascal Thombiano, avec plein d’autres personnes qui m’ont donnée envie de faire ce métier-là. Ce sont aussi des personnes qui m’ont poussée, qui m’ont galvanisée en tant que travailleur à aller de l’avant.
« Ça fait mal lorsque vous allez sur Facebook, vous voyez qu’on insulte des journalistes de la RTB pendant que des radios sont en train de faire du direct, la RTB passe la musique ou passe des films. Derrière, vous ne savez pas ce qu’il y a »
Il y a beaucoup de personnes qui m’ont ouvert des portes. Je retiens ça. Faire confiance aux jeunes et que les jeunes que nous sommes prenions cette confiance comme un œuf, c’est vraiment important. Je garde ce souvenir. Je garde tellement de beaux souvenirs au sein de la RTB.
Faso7 : Avez-vous des mauvais souvenirs ?
Peggy Ouédraogo : Je garde des mauvais souvenirs… Par exemple lorsqu’on est venu nous menacer avec des armes parce qu’il semble qu’on montrait des positions lors de l’attaque de splendide Hôtel et Cappucino. On avait fait un plateau spécial. On a dû arrêter.
Si vous vous souvenez, je présentais le journal et j’ai annoncé directement ce qui se passait. Il y avait Godefroy Bazié qui était sur les lieux qui nous informait par appels téléphoniques. Après on a envoyé une équipe sur les lieux pour le direct.
Malheureusement, il y a eu un malentendu et on nous a demandés d’arrêter le plateau spécial qu’on avait mis en place pour informer le public. Ça a été un coup dur. Mais on a arrêté parce que ce n’est pas la peine de jouer aux braves avec des pistolets sur la tête.
C’est pour le besoin d’informer le public parce que le public se demande ce qui se passe. Vous voyez ? Ça fait mal lorsque vous allez sur Facebook, vous voyez qu’on insulte des journalistes de la RTB pendant que des radios sont en train de faire du direct, la RTB passe la musique ou passe des films. Derrière, vous ne savez pas ce qu’il y a. Ce n’est pas la volonté des journalistes. Ce sont aussi des gens professionnels qui travaillent. Ils veulent travailler mais on les a empêchés de travailler.
Comme mauvais souvenir, il y a aussi les souvenirs de l’insurrection lorsqu’on est venu pour brûler la RTB.
Faso7 : Qu’est-ce que Peggy Ouédraogo se dit le matin face à son miroir avant de commencer la journée ?
Peggy O. : Je me dis déjà que je suis prête. La confiance en soi est déterminante dans ce qu’on veut être, ce qu’on veut devenir, ce qu’on veut faire. J’ai inculqué ça à mes enfants.
Je pense que ce n’est pas du narcissisme. Je leur explique pourquoi je le fais. Jeune, j’étais très timide. Je ne savais pas que j’allais faire de la télé. Je faisais le journal du quartier. J’écrivais beaucoup. C’était vraiment la presse écrite mon domaine. Je voulais écrire des livres. Je voulais publier des livres. C’est après, pendant la formation que mes professeurs au CESTI ont dit que j’avais des aptitudes à faire la télé. Ce sont eux qui vous orientent. Ce n’est pas vous qui choisissez.
C’est ainsi que je suis partie vers la télé. Pour vaincre cette timidité-là, j’ai eu à faire beaucoup de choses tels que les camps vacances, des activités dans le monde associatif où j’ai dû vaincre la timidité pour pouvoir parler, pour pouvoir soutenir les regards…
« Je veux qu’il y ait beaucoup de filles dans le métier parce qu’elles apportent une autre touche et elles font parler les femmes »
J’essaie d’inculquer ça à mes enfants, à mes neveux et à mes nièces parce que la confiance en soi, c’est la base. Il faut d’abord avoir confiance en soi, refléter cette confiance là pour emmener les autres vers vous. J’ai ma fille de 03 ans, lorsqu’elle se lève le matin, elle dit « waouh je suis trop belle ce matin ». Je lui dis que « tu es trop belle » et puis bon, c’est fini et elle est contente pour la journée (rire) ! C’est juste anecdotique mais c’est ça. C’est ce que je me dis. Je me dis que je peux le faire si j’ai mon planning. Même si ce sera compliqué, je peux le faire.
Faso7 : Quels conseils avez-vous pour les jeunes qui veulent marcher dans vos pas ?
Peggy O. : Il ne faut jamais faire comme votre modèle. Soit vous faites mieux, soit vous faites moins. J’ai aussi eu des modèles sur d’autres chaines, même à l’étranger afin de prendre un peu de tout. Je n’ai pas voulu faire comme eux exactement, les calquer, me substituer à eux. J’ai donc essayé de prendre un peu de tout le monde.
Quand je suis arrivée à la RTB pour commencer le journal, je me suis dit qu’il faut que je sois un modèle pour les filles parce que le milieu est très masculinisé. C’est difficile de s’en sortir en tant que femme. Si on n’a pas un caractère fort, il suffit qu’on vous fasse une petite réflexion et vous relâchez.
On peut vous mettre dans les reportages de nuit par exemple. C’est éprouvant pour une femme. Vous allez dans des situations où l’hygiène laisse à désirer pour une femme. Ce sont des épreuves, mais il faut montrer que vous pouvez faire mieux que ceux qui veulent vous décourager.
Le milieu a besoin de beaucoup de visages féminins. Et c’est ce que je me suis dit au début. Même si je n’arrive pas à devenir un modèle, qu’on puisse me citer en tant qu’un exemple. Il faut qu’elles se disent que si Peggy a pu faire, donc je peux le faire.
J’ai eu trois (03) enfants en étant à la RTB pendant mes 10 ans. C’est vrai que quand on a des enfants, les rédacteurs en chef sont un peu magnanimes, mais souvent, ça n’a pas été facile pour gérer le quotidien quand on n’a pas de servante, quand on n’est pas aidé, quand tu dois être à la RTB pour faire le journal de 22h qui passe à 23h…



Ce sont ces choses qui sont assez difficiles mais qui, avec de l’organisation, ne sont pas impossibles. Il y a beaucoup de filles qui disent « Je ne pourrai pas ». Il y a aussi ces préjugés selon lesquels les filles et les femmes qui passent à la télé sont des amantes des grands du pays. On nourrit des fantasmes quand on passe à la télé, homme comme femme. Ça, je le dis. C’est normal. C’est aussi ça la magie de la télé. Et souvent, on joue avec.
Je veux qu’il y ait beaucoup de filles dans le métier parce qu’elles apportent une autre touche et elles font parler les femmes. Vous ne parlez pas des femmes. Vous occultez tout ce que les femmes font. Je suis actuellement sur un projet de tournage d’un film qui porte sur le leadership féminin. Il y a des femmes qui ont fait des choses extraordinaires au Burkina, mais qui sont restées muettes.
C’est difficile de parler de femme dans ce pays parce que justement on ne parle d’elles que quand on parle du 8-Mars avec les forums des femmes et puis après basta. Donc ce sont les filles, les femmes qui sont dans le métier qui vont avoir cette sensibilité-là de parler d’elles. J’insiste pour qu’il y ait plus de vocation féminine dans le métier.
Et je dirai qu’il faut être soi-même. Il ne faut pas venir faire comme Peggy. Il faut venir regarder ce qu’un tel a fait et apporter sa touche. Il faut être unique. Moi je ne veux pas qu’on me compare à quelqu’un. Il faut venir avec sa touche personnelle, sa sensibilité et apporter quelque chose de bien.
Il faut être également humble. Quand on n’est pas humble, on ne peut pas s’en sortir dans le journalisme, surtout en télé. Parce que quand vous passez en télé, vous êtes connus de tous. Vous rentrez facilement un peu partout. Il y a des endroits où vous ne pouvez plus partir. Si vous n’êtes pas simple, de la même manière dont on vous a adulé, c’est comme ça qu’on va vous détester.
Il faut toujours garder les pieds sur terre. Être aimable, respecter les autres même si on se dit ‘’stars’’. Pour moi, une star c’est Will Smith, Kenny West, Floby, Dez Altino…Je ne suis pas une star. Moi je suis au service du pays. C’est le pays qui me porte. Je ne passe plus à la télé, on va m’oublier bientôt. C’est pour dire que c’est éphémère et quand c’est éphémère, il faut beaucoup faire attention.
« Il ne faut pas que ce métier soit effrité. C’est en travaillant, c’est en montrant justement nos aptitudes à nos lecteurs, à nos auditeurs et à nos téléspectateurs qu’on va continuer d’être de bons et grands journalistes parce qu’on aura toujours besoin de journalistes dans ce monde »
En plus de ces aptitudes-là, il faut la formation. Malheureusement aujourd’hui, on manque beaucoup de formations dans le métier. Je pense qu’il faut toujours se former. Il ne faut pas se laisser emporter par l’engouement, par le besoin de se faire connaitre.
On dit que tout le monde est journaliste mais je pense que c’est important de se former en journalisme. Je suis ouverte. Il y a beaucoup de personnes que je coache pour la prise de parole qui ne sont pas forcément dans le métier. Je forme également les jeunes filles et jeunes garçons qui veulent embrasser le métier.
Surtout, il faut le dire, on ne vient pas au journalisme pour être riche. Si on devient riche en étant journaliste, c’est qu’il y a un problème quelque part (rire). Il faut vraiment aimer ce qu’on fait. Moi j’ai été piquée par le virus très tôt. Depuis l’âge de 07 ans, j’écris des journaux, j’écris des nouvelles. Il faut aimer ce qu’on fait et nourrir cet amour de la chose.
Faso7 : Quels messages pour vos admirateurs ?
Peggy O. : Je remercie tous ceux qui me suivent. Je suis restée en contact avec beaucoup de personnes sur Facebook. J’essaie de leur dire que je suis toujours journaliste. C’est vrai qu’il y a des gens qui ont dit qu’il y a un problème à la RTB. Voilà pourquoi elle est partie et qu’il faut qu’on voit mon confrère Ladji Bama pour qu’il cherche à comprendre et tout (rire).
Non non, il n’y a pas de problème. C’est ce que je dis qu’il ne faut pas attendre que les problèmes arrivent pour partir. J’ai mûri cette réflexion. Je ne suis pas partie pour toujours mais juste pour un temps.
Je remercie tout le monde. Je remercie surtout Faso7 pour cette opportunité de m’exprimer. C’est vrai que depuis, j’ai refusé de m’exprimer parce qu’aujourd’hui, on est un peu trop friand du buzz. Mais ce n’est pas ça. Je veux rassurer tout le monde que je vais bien. Vous ne me voyez juste pas devant l’écran mais je suis toujours dans la maison.



J’aimerais qu’on me porte en prière pour mes projets. Qu’on m’encourage à continuer. J’espère toujours compter sur ces critiques constructives qu’on me fait. Je vais toujours les prendre avec beaucoup de respect pour réussir dans ce que je veux faire.
Je vous souhaite bon vent. Je souhaite que vous aidez à faire comprendre le métier de journalisme. Ce n’est pas évident mais il faut toujours garder ce respect là qu’on avait à l’égard du journaliste. Aujourd’hui moi je regrette ça. Il y a eu des journalistes qui, lorsqu’on dit leurs noms, on dit « ha lui c’était un grand journaliste ! ». Il faut qu’on ait toujours ça aussi.
Il ne faut pas que ce métier soit effrité. C’est en travaillant, c’est en montrant justement nos aptitudes à nos lecteurs, à nos auditeurs et à nos téléspectateurs qu’on va continuer d’être de bons et grands journalistes parce qu’on aura toujours besoin de journalistes dans ce monde.
Il faut s’adapter et encourager surtout les filles à embrasser ce métier. On peut être fille, femme mariée, avoir des enfants et le faire. Il faut aimer le métier. Quand on aime quelque chose, on ne travaille plus.
Entretien réalisé par Amadou ZEBA
Faso7
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Cette femme est un modèle. L’incarnation de la force d’esprit et du courage. Sans tambour, il a impose le Respect. Peggy, l’une des choses qui m’a marqué, elle a gardé son teint. Dieu seul comment certaines de ses co-presentatrices sont devenues. Des lampadaires ambulants qui brillent de part le vide dans leur cerveau..
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J’admire vraiment les valeurs et le talent de cette dame, surtout l’humilité dont elle fait montre avant et après son départ .On espère qu’elle reviendra servir encore notre très chère patrie.
Grande dame en esprit . j’ai beaucoup aimé cette partie de l’entretien , lorsqu’elle dit : S’il y a eu un problème et que vous n’avez pas eu la primeur de l’info, l’info est venue après, il faut la traiter. Ce ne sont pas des communiqués laconiques qu’il faut lire et puis c’est fini. Il faut apporter ce réconfort-là aux populations. C’est arrivé comment ? Pourquoi ? Quand ? C’est ce plus qu’il faut apporter derrière l’information à chaud qui a été donnée.